«Toute la planète le sait, Haïti va mal. Très mal. Mais ce n'est pas nouveau. Séisme, choléra, ouragans ont cruellement révélé les failles déjà très creuses du pays qui est de plus plongé dans l'impasse politique. Mais personne, à part les Haïtiens, ne sait ce que cela représente vraiment au quotidien. Cette harassante survie de tous les jours alors que le moral est miné. Car le légendaire moral des Haïtiens est profondément touché. Tout le monde ici est blessé. Ça se sent, ça se voit, malgré les sourires. Les traumatismes, les deuils, les pertes et les peurs sont dans les esprits et les cœurs alors qu'il faut continuer dans un pays qui n'avance pas.»Année difficile pour tout le monde, donc, et qui, bien malheureusement, ne se terminera pas le 31 décembre à minuit. Bien malheureusement. En fait, je ne vous apprendrai rien en vous disant que 2011 risque de commencer fort mal si, comme tout le monde le soupçonne, les résultats des élections de novembre dernier ne sont pas à la satisfaction du peuple. Et le choléra, bien sûr. L'épidémie est loin d'être contrôlée, et les projections ne sont pas vraiment optimistes... Tout de même, le temps fait son œuvre. Et il est permis d'espérer que 2011 sera une meilleure année que 2010. Avons-nous vu le pire? Personne ne peut le dire. En Haïti, il semble que la frontière du pire recule tout le temps. Et ça n'a rien à voir avec le réchauffement planétaire ou le marché monétaire international. Simplement, c'est comme ça. La suite de catastrophes naturelles ou humaines (car les dernières élections sont vraiment une catastrophe qui n'a rien de naturel) n'est pas exclusive à Haïti et certaines se passent régulièrement ailleurs, dans d'autres coins de la planète. Pas à la queue-leu-leu comme ça, cependant, et c'est peut-être là la différence. Pourtant et comme le dit Chantal Guy, il faut continuer. Parce que le temps avance, il faut avancer. C'est ce que tout le monde fait, sans vraiment se plaindre, et pas tant par stoïcisme comme par absence de choix. Difficile de se prétendre stoïque quand on n'a pas le choix de vivre autrement, hein? Bon, j'en vois déjà qui lèvent la main avec la question évidente : «Oui bon, mais vous deux, vous l'avez ce choix! Vous n'êtes pas forcés de vivre cette vie tourmentée et insécure! Pourquoi persistez-vous?» Bonne question, lecteurs et lectrices perspicaces. Malheureusement, je n'ai pas de réponse à vous donner. Je n'en sais rien. On vit ici parce que c'est ici qu'on vit. Réponse de Normand, je sais, je sais (je ne parle pas de mon frère, là!)... Ou l'image du serpent qui se mange la queue, si vous préférez. On vit ici présentement et pour la suite, on verra. On vit ici au présent seulement. Car on sait que ce n'est pas un état permanent et le seul fait de savoir que l'on peut partir suffit à nous faire rester. Donc on continue. Un jour à la fois, car c'est la seule façon d'avancer ici. On peut toujours faire des plans, mais ils sont toujours sujets à changement sans préavis, genre un tremblement de terre, par exemple... Mais tout ça, vous le savez déjà, alors...
Inutile de s'étendre sur cette année néfaste, donc. Inutile de ressasser le nombre de morts, victimes du tremblement de terre ou, plus récemment, du choléra. On fait avec. Tout le monde fait avec. Mais en dépit de cela, l'espoir fleurit. On se demande comment, quand tout va si mal dans le pays; mais en Haïti, mieux que partout ailleurs, l'espoir fait vivre. On vit d'espoir et d'eau pas trop fraîche, je vous l'ai déjà servie celle-là, mais elle n'en reste pas moins vraie.
Ceci se veut donc un message d'espoir. L'espoir que les choses se tassent--les plaques tectoniques aussi bien que la politique--et que la vie quotidienne reprenne son rythme habituel, insouciant et rieur.
En attendant et puisque c'est de saison, Chantal et moi vous en souhaitons une excellente, une luxuriante et une paisible!