mercredi 8 décembre 2010
Le parfum du pneu qui brûle
Fumez-vous du pneu? Non, il n'y a pas de faute de frappe : je ne veux pas dire humez-vous, mais bien fumez-vous. Car humer l'odeur du pneu qui brûle est difficilement évitable, même avec un rhume; et ça sent pas la rose... Mais la sensation qu'on a présentement, c'est plutôt celle de la fumée qui s'immisce dans les poumons à chaque respiration et qui augmente d'autant le sentiment d'oppression qui est présentement notre lot. Et pendant que je vous écris ces lignes, les coups de feu claquent, presque sans discontinuer et l'on sait que cela n'augure rien de bon. Aux dernières nouvelles, les manifestants -- les violents qui ont des armes -- ont projet de prendre d'assaut la base de la MINUSTAH. Ça promet. Je ne sais pas pour vous, mais pour nous, c'est «prends ton trou et restes-y». Rien à faire d’autre que se terrer, dans ces temps-là…
Y'a-t-il du danger pour nous? Réponse franche : oui. Car le danger est là, omniprésent, pour tout le monde et jusqu'à preuve du contraire et même si ma tendre compagne prétend souvent le contraire, nous sommes «du monde». Certes, notre maison est assez en retrait de la rue et l'hôpital n'est pas, par définition, une cible potentielle de destruction, comme l'ont été certains édifices gouvernementaux. Donc et en principe, nous sommes dans une sécurité relative. Relative. Tout est là, dans ce petit mot. Car si quelques échaudés décident de venir faire du grabuge dans l'enceinte, il n'y a rien à faire pour les en empêcher! Appeler la police? Elle est complètement débordée, la police. Tout comme le sont les forces onusiennes, d'ailleurs. Bref et comme on dit ici, nou pou kont nou : nous sommes livrés à nous-mêmes.
Tout ça pourquoi? Pour cause d’injustice flagrante. Quand vous jouez avec des dés truqués et que vous dites : «J'ai gagné», disons qu'il risque de s'en trouver pour contester votre victoire... Or, c’est précisément ce qui s’est passé. On a dit, sur tous les tons dans toutes les gammes, que les élections avaient été corrompues. Parmi les histoires entendues, celle de camions (pluriel) transportant des bulletins de vote déjà complétés pour remplacer les originaux! Or la différence entre Martelly (le populaire/défait) et Célestin (le mal-aimé/sélectionné pour le second tour) est minime — pas même 7,000 voix — si bien que les manifestants ont certainement quelque motif raisonnable pour exprimer leur mécontentement. Mais de là à mettre le pays à feu et à sang, il me semble que c'est peut-être un peu exagéré... Haïti, pays de la démesure...
Inutile de vous dire que notre petit hôpital est fermé. Congé forcé pour tout le monde. Personne ne s’en réjouit, pourtant. Cependant et comme je le dis à qui veut l'entendre, nous ne faisons pas de politique et les soins de santé sont pour tout le monde, agresseurs aussi bien qu'agressés. Une vraie petite Suisse, tiens...
Heureusement, nous avons fait provision de l'essentiel (nourriture et carburant), et de ce côté donc, nous sommes tranquilles pour les prochains jours. C'est déjà ça. Comme le disait fréquemment l'un de mes bons amis : "Count your little blessings". Ce pourrait être pire. Mais ce pourrait être pas mal mieux, avouons-le.
Donc, nous tenons le coup et attendons que les choses se tassent et rentrent peu à peu dans l'ordre. Ça va venir. Mais pas tout de suite. Pas aujourd'hui, pas la nuit prochaine, pas demain, en fait, probablement pas avant la semaine prochaine, si bondye vle...
Alors voilà, vous en savez autant que nous. Quoi? Vous dites que c'est peu? Bienvenue dans le club!
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Ankouraje, Richard ak Chantal!!! Mwen ekri ou depi Pòtoprens, bagay yo cho nan kapital la, men pa menm jan avèk Okay kanmenm... Sityasyon Okay sanble pi rèd menm... Kenbe fèm!!! M souwète nou ke bagay yo ka kalme vit... Amitiés, Nicolas (ti Bèlj tètkale ki rete Pòtoprens lan)
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