vendredi 10 décembre 2010
Un jour à la fois
Vous allez me trouver un peu déprimant, sans doute, mais que voulez-vous? La réalité d'ici n'est pas rose, alors il me serait difficile de vous la dépeindre comme telle. Car rien n'a changé : la violence court les rues, c'est le cas de le dire, et quand ce n'est pas dans une zone, c'est dans l'autre, si bien que les maigres forces de l'ordre (Minustah et police nationale) en ont plein les bras et même davantage. Surtout que l'un des objectifs des manifestants, c'est de prendre d'assaut le commissariat, de s'emparer des armes et de libérer les prisonniers. Comment une telle stratégie sert-elle la candidature de M. Martelly? En rien, bien entendu. Tout comme de mettre le feu aux immeubles gouvernementaux : on dit que la Douane, le ministère des Finances et la Direction générale des Impôts ont été rasés et ce saccage choque. Personne n'approuve. Mais ce qu'on voit dans la rue, ce sont des jeunes, voire des très jeunes qui ne savent sans doute même pas pourquoi ils sont là. Ce qui ne les empêche pas d'être là... Et de faire du désordre, de lancer des pierres grosses comme le poing et de de se prendre pour Rambo. Pathétique, je vous le dis tout net.
Hier après-midi, nous avons quand même eu chaud. Les manifestants descendaient la rue en vue de s'attaquer au commissariat, justement, et disons que leur marche n'avait rien de pacifique... Ils se sont heurtés aux soldats onusiens qui les ont dispersés au moyen de gaz lacrymogènes. Sauf que dans cette débandade, certains ont choisi de sauter la clôture qui nous sépare de la rue et ont commencé à vouloir faire un plat ici. Et pas moyen de les faire ressortir par la porte, puisque l'ouvrir, c'était l'ouvrir à la horde de manifestants! Cependant et grâce au dévouement de l'un de nos gardiens de sécurité qui a houspillé ces jeunes de belle façon, leur disant qu'un hôpital, c'était sacré et qu'il n'avaient pas le droit de s'en prendre à la propriété de l'hôpital, ils ont filé en sautant la clôture de derrière. N'empêche que lorsque ces voyous se sont dirigés vers notre maison, nous n'avons pas tellement apprécié. Oui, nous sommes à ce point vulnérables. En fait et pour tout vous dire, seul notre statut d'hôpital nous protège et avouons que c'est une protection bien maigre...
La nuit fut calme. Mais pas paisible. L'adrénaline et le sommeil s'accordent mal, je ne vous apprends rien, et tandis que ma compagne ronflait du sommeil du juste, moi je restais à l'affût du moindre son qui aurait pu signifier un truc pas normal. Évidemment et comme vous vous en doutez, j'en ai entendu plus que mon quota... Toutes de fausses alertes, bien entendu, sinon je ne serais sans doute pas en train de vous écrire ce matin. Mais reste que ça vous perturbe un sommeil, je n'ai pas besoin de vous le dire...
Finalement le matin est arrivé, les cloches de la cathédrale se sont fait entendre à leur heure habituelle (5 h) et j'ai su que la nuit était finie.
Présentement, c'est calme. Des coups de feu se font toujours entendre, mais sporadiquement et plus loin. Cependant et bien que tout le monde souhaite que ce soit un signe annonciateur du retour à la normale, nous savons que ce n'est qu'une accalmie, que la violence n'est pas encore terminée, car le tunnel dans lequel nous sommes est long et noir : pas la moindre lueur n'est visible au loin. Comme tout le monde, donc, nous attendons.
Et le choléra, croyez-vous qu'il attend, le choléra? Eh bien non. Il continue de se propager, sauf que les personnes atteintes meurent faute de soins et leurs cadavres contaminés sont, à ce qu'on m'a dit, simplement traînés jusqu'au cimetière...
Je vous avais prévenu que vous alliez me trouver un peu déprimant...
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Tremblements de terre, ouragans, inondations, choléra, pauvreté, corruption, violence extrême... quel est le bon côté d'Haïti qui vous retient là-bas déjà? La plupart des gens seraient rentrés au bercail il y a longtemps... On prie pour vous. Bonne chance.
RépondreEffacerQu'est-ce qu'on peut dire... La vie, c'est ça aussi!
RépondreEffacerMais pourquoi tu restes dans ce pays si dangereux? Moi, je te comprends pas. Fait attention à toi quand même et bonne chance!!!
RépondreEffacer@anonyme: pourquoi? Pourquoi prend-on une route l'hiver sachant qu'elle est couverte de verglas et que la visibilité est réduite? Le danger est là, mais on n'arrête pas de vivre pour ça!
RépondreEffacer