Il faut que je revienne sur la question de la sécurité, ou plus exactement, de notre sécurité. Le point est immanquablement abordé par quiconque s’intéresse à notre vie ici, que ce soit dans l’idée (rare) de nous rendre visite ou simplement de tenter de comprendre notre intérêt à demeurer dans un pays que le gouvernement du Canada — et des États-Unis, de pire façon — dépeint comme hautement non recommandable, un pays à éviter à moins d’obligation majeure. Le fait est que la sécurité est fragile dans ce pays, où le nombre de policiers est ridiculement faible par rapport au haut taux de criminalité. Mais cette criminalité excessive est centralisée à Port-au-Prince ou alors dans certaines zones en rapport avec le trafic de cocaïne, maintenant bien florissant dans le pays. La capitale est, ne le nions pas, la proie de bandits qui ont fait du kidnapping une entreprise des plus rentables. Auparavant, ces kidnappings avaient un rapport avec la politique (c’est en tout cas ce qu’on entendait). Or, dans un dernier communiqué que je viens tout juste de recevoir de l’ambassade canadienne, il semble qu’on ait maintenant affaire à des groupes dont la seule motivation est le profit. On parle de gens qui ne seraient même pas Haïtiens, bien vêtus — complets, cravates — très violents et très professionnels, c’est-à-dire capables de couvrir leurs traces et d’agir en toute impunité. Ces gens sans scrupule s’attaqueraient, dit-on, à n’importe qui dont la situation financière ne semble pas trop mal. Rien là de bien rassurant, je n’en disconviens nullement. Mais encore une fois, ces groupes opèrent exclusivement à Port-au-Prince, du moins selon les dires de l’ambassade. C’est probablement ce qui fait qu’on se sent moins concerné par la chose.
Évidemment, l’encadrement policier n’est pas mieux aux Cayes qu’il peut l’être dans la capitale ou ailleurs, si bien que le jour où les bandits décideront de se mettre à l’œuvre, personne n’y pourra grand-chose. Fatalisme? Bien sûr. Bondye konnen, comme on dit. L’épée de Damoclès est bien là, au-dessus de nos têtes, mais comme ça fait un bout qu’elle tient en place, eh bien on apprend à vivre avec sans trop s’en faire. Un peu comme les ouragans… (J’y reviendrai.)
Donc je ne veux pas dire qu’il n’y a pas de danger à vivre en ce pays, mais bon, il y en a ailleurs aussi, non? Et comme disent nos voisins, les Américains, «Better the Devil you know». Ainsi, quand on sait que les agressions se produisent toujours à la nuit tombée, eh bien on évite de sortir le soir. S’armer? Pour se tirer dans les pieds? Non merci. Si nous habitions la capitale, je ne dis pas, encore que, comme le dit si bien l’Évangile : «Celui qui se sert de l’épée périra par l’épée», ou quelque chose d’approchant. Le fait est que la violence appelle la violence et la meilleure stratégie reste encore d’éviter de s’y trouver mêlé. Et c’est exactement ce que nous faisons et ce que font les gens sensés.
La violence? Elle est là, on le sait, mais comme on ne peut pas la changer, eh bien on apprend à vivre avec, tout simplement. Sommes-nous en sécurité? Oui, jusqu’à un certain point. Assez pour que les nuits se passent à dormir, et non à penser à notre sécurité…
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