Cependant, le paradis à la fin de nos jours m’apparaît un peu tard et si l’occasion se présente d’en avoir un avant-goût prometteur, il faudrait être un véritable ascète pour ne pas y succomber. Or, c’est un peu ce qui s’est passé ce dernier dimanche—le premier depuis la fin de mon rhume. Partis pour passer un gentil week-end à l’Île à Vache, nous fûmes entraînés, un peu à notre corps défendant, vers l’excursion à "l’îlet des amoureux", lequel, lorsqu’on est trois, perd un peu de ses promesses (pervers, je vous vois venir). Donc, l’îlet en question, comme le montre la photo, n’est rien du tout qu’une protubérance sablonneuse qui doit disparaître à chaque fois que s’enfle la mer. Mais en ce dimanche azuré, la mer est calme et l’îlet est là.
Qu’y faire? Encore un fois, écartons les idées biscornues de ceux (et j’insiste : ceux) qui ne pensent qu’à la chose et regardons un peu les choix qui s’offrent à nous : lire, manger, sommeiller, se baigner… Ai-je tout dit? Je crois bien avoir fait le tour… Et parlant de tour, celui de l’île d’un train flâneur prend tout juste 90 secondes, c’est vous dire… Vraiment, on se sent sur la planète native du Petit Prince ou, pire encore, sur celle de l’allumeur de réverbères.
Et quelle planète! Le monticule sablonneux complètement nu où rien ne pousse—et où rien ne peut pousser— que seuls les pélicans fréquentent sur une base régulière n’a rien de bien spectaculaire à offrir! En fait, c’est le rien fait sable, cerné par des eaux vertes. Sans parasol, on s’y dessèche; on y cuit, plus doucement lorsque badigeonnés, certes, mais on finit à point néanmoins. Donc, c’est monotone, plat, inerte, informe, insipide, sans relief et sans âme, et pourtant, pourtant, c’est le pied!
Comment expliquer la chose… Est-ce le dépouillement total? Est-ce l’incessant bruit des vagues qui se brisent sur tout le périmètre de l’île? Est-ce la brise maritime qui tempère les ardeurs de Galarneau? Sont-ce les eaux limpides, chaudes et peu profondes? Les étoiles de mer? La chaleur du sable? La bouteille de rosé bien frais (gardée sur un lit de glace, merci à nos hôteliers)? Le copieux pique-nique? Ou simplement le plaisir indicible d’être là et pas ailleurs? En tout cas, le temps a bien passé et lorsque, cuits, nous avons vu la barque revenir, nous avons compris que nous avions effleuré du bout des doigts un petit morceau de paradis—rosé inclus, bien entendu! Car je vois mal le paradis sans un rosé bien frais, et vous?
L’enfer, c’est l’après cuisson, mais ça, je ne vous le raconte pas…