Dimanche dernier, à peu près à la même heure, j'écrivais ceci:
Déjà une semaine a passé. La première depuis notre longue absence et, comme vous vous en doutez sûrement, elle a passé à la rapidité de l’éclair. Il a fallu nous réajuster à tant de petits détails que nous n’avons rien vu du temps — à part en sentir la chaleur, il va sans dire. Car la fin de septembre nous donne encore des températures au-dessus de 30° C avec un taux d’humidité qui frise le sauna, alors oui, il fait chaud. Très. Mais heureusement, nos bureaux climatisés sont là, havre d’une fraîcheur artificielle, soit, mais qui vaut mieux que le four naturel extérieur.
Mais pour une raison obscure, le texte est resté inachevé et la semaine a passé sans que j'aie le temps de m'y remettre. Aujourd'hui, autre dimanche et le dernier du mois de surcroît, j'y reviens et malgré sa banalité, je vous le finis pour que vous puissiez à tout le moins savoir que tout se passe assez bien au pays des Haïtiens.Cela dit, si la chaleur est étouffante, le travail, lui, ne l’est pas. Colette, notre digne secrétaire, s’est révélée tout à fait à la hauteur de nos attentes de sorte que nous n’avons qu’à reprendre le fil où il est rendu sans avoir à détricoter ce qui s’est fait pendant notre absence. Voilà qui est plaisant et, avouons-le, rassurant.
Ainsi, le pays va plutôt bien, oui, même si la tension politique monte et que l’insatisfaction commence à gronder sourdement. On accuse le présent gouvernement de bien des choses, notamment de taxer et de surtaxer les petites gens de tous les côtés et de s’enrichir grâce à l’argent de la drogue alors que le peuple croupit toujours dans la misère noire. Et justement, parlant de drogue, un homme d’affaires du coin bien connu s’est présenté à la police avec 56 kilos de marijuana, affirmant qu’il avait trouvé les ballots flottant sur la mer en face de sa propriété… Vrai? Pas vrai? Je vous laisse en décider... Quoi qu’il en soit, la police, faute de preuves tangibles (après tout, le type s’est présenté de son propre chef) a dû le relâcher, mais plusieurs trouvent la couleuvre grosse à avaler… Car ne nous leurrons pas : la drogue reste une source de revenus alléchante pour qui n’en craint pas les conséquences. Or, quelle meilleure façon d’agir en toute impunité que de s’acoquiner avec des personnages haut placés? Et d’après ce qu’on dit de ce monsieur, il serait l’ami du président, rien de moins… Tout ça pour vous dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le chaud soleil haïtien : les riches s’enrichissent tandis que les pauvres s’appauvrissent. En fait, ils s’appauvrissent encore davantage en s’endettant pour payer les frais d’inscription scolaire de leurs enfants, début des classes oblige (mardi prochain). Malgré toute la bonne volonté gouvernementale sur le papier de rendre l’éducation accessible à tous, la réalité est tout autre et les écoles privées, sans égard à leur qualité, foisonnent et imposent des tarifs outrageants, même pour les nantis. Les pauvres, eux, en sortent exsangues. Triste réalité, je vous le dis, et d’autant plus triste qu’on ne peut rien y faire sauf avaler la pilule, si amère qu'elle soit...
Vous croyez qu'il y a là matière à découragement? C'est que vous ne connaissez pas les Haïtiens : qu'importe demain si l'on peut aujourd'hui résoudre le problème de l'inscription scolaire. Demain est un autre jour et on s'arrangera bien... Et ma foi, on peut difficilement leur donner tort, n'est-ce pas?