dimanche 29 septembre 2013

Réacclimatation




Dimanche dernier, à peu près à la même heure, j'écrivais ceci:

Déjà une semaine a passé. La première depuis notre longue absence et, comme vous vous en doutez sûrement, elle a passé à la rapidité de l’éclair. Il a fallu nous réajuster à tant de petits détails que nous n’avons rien vu du temps — à part en sentir la chaleur, il va sans dire. Car la fin de septembre nous donne encore des températures au-dessus de 30° C avec un taux d’humidité qui frise le sauna, alors oui, il fait chaud. Très. Mais heureusement, nos bureaux climatisés sont là, havre d’une fraîcheur artificielle, soit, mais qui vaut mieux que le four naturel extérieur. 
Cela dit, si la chaleur est étouffante, le travail, lui, ne l’est pas. Colette, notre digne secrétaire, s’est révélée tout à fait à la hauteur de nos attentes de sorte que nous n’avons qu’à reprendre le fil où il est rendu sans avoir à détricoter ce qui s’est fait pendant notre absence. Voilà qui est plaisant et, avouons-le, rassurant.
Mais pour une raison obscure, le texte est resté inachevé et la semaine a passé sans que j'aie le temps de m'y remettre. Aujourd'hui, autre dimanche et le dernier du mois de surcroît, j'y reviens et malgré sa banalité, je vous le finis pour que vous puissiez à tout le moins savoir que tout se passe assez bien au pays des Haïtiens.

Ainsi, le pays va plutôt bien, oui, même si la tension politique monte et que l’insatisfaction commence à gronder sourdement. On accuse le présent gouvernement de bien des choses, notamment de taxer et de surtaxer les petites gens de tous les côtés et de s’enrichir grâce à l’argent de la drogue alors que le peuple croupit toujours dans la misère noire. Et justement, parlant de drogue, un homme d’affaires du coin bien connu s’est présenté à la police avec 56 kilos de marijuana, affirmant qu’il avait trouvé les ballots flottant sur la mer en face de sa propriété… Vrai? Pas vrai? Je vous laisse en décider... Quoi qu’il en soit, la police, faute de preuves tangibles (après tout, le type s’est présenté de son propre chef) a dû le relâcher, mais plusieurs trouvent la couleuvre grosse à avaler… Car ne nous leurrons pas : la drogue reste une source de revenus alléchante pour qui n’en craint pas les conséquences. Or, quelle meilleure façon d’agir en toute impunité que de s’acoquiner avec des personnages haut placés? Et d’après ce qu’on dit de ce monsieur, il serait l’ami du président, rien de moins… Tout ça pour vous dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le chaud soleil haïtien : les riches s’enrichissent tandis que les pauvres s’appauvrissent. En fait, ils s’appauvrissent encore davantage en s’endettant pour payer les frais d’inscription scolaire de leurs enfants, début des classes oblige (mardi prochain). Malgré toute la bonne volonté gouvernementale sur le papier de rendre l’éducation accessible à tous, la réalité est tout autre et les écoles privées, sans égard à leur qualité, foisonnent et imposent des tarifs outrageants, même pour les nantis. Les pauvres, eux, en sortent exsangues. Triste réalité, je vous le dis, et d’autant plus triste qu’on ne peut rien y faire sauf avaler la pilule, si amère qu'elle soit...

Vous croyez qu'il y a là matière à découragement? C'est que vous ne connaissez pas les Haïtiens : qu'importe demain si l'on peut aujourd'hui résoudre le problème de l'inscription scolaire. Demain est un autre jour et on s'arrangera bien... Et ma foi, on peut difficilement leur donner tort, n'est-ce pas?

dimanche 15 septembre 2013

Cap au sud


Mi-septembre. Certains oiseaux ont déjà entamé leur long voyage vers le sud, là où le climat est plus facile. Mais savent-ils vraiment ce qu’ils font et la raison pour laquelle ils le font? On peut en douter. Ce n’est pas notre cas : nous sommes tout à fait conscients que notre proche départ nous éloigne du climat nordique, de sa géographie et de ses habitants, de ses fêtes commerciales au goût douteux (je pense à l’Halloween, entre autres) et de ses aberrations politiques. Bientôt nous serons loin de tout ça, pour nous replonger dans le climat tropical d’Haïti, de sa géographie et de ses habitants et des aberrations politiques qui sans être les mêmes que celles du Québec, n’en sont pas plus logiques ni plus sensées. En d’autres termes et comme disait l’autre : plus ça change, plus c’est pareil. En fait, il n’est certainement pas faux de dire que «À part le soleil, c’est partout pareil.» Mais voilà : il y a le soleil et il faut quand même avouer que bien des choses sont moins pénibles au soleil — pas seulement la misère comme le chante Aznavour.

Nous rentrons donc. Le temps est venu, non pas parce que les jours raccourcissent ou que la température descend — après tout nous ne sommes pas des oiseaux, même si nous passons souvent pour de drôles d’oiseaux —, mais bien parce que nous l’avions décidé et avons agi en conséquence. Car je le dis souvent à qui veut l’entendre : ce n’est que lorsqu’une décision se transforme en action qu’on la reconnaît comme telle; sinon ce n’est qu’un projet, un souhait, un rêve…

Ces temps-ci, on nous demande souvent s’il nous plaît de retourner là-bas. Question judicieuse, s’il en est une, car en vérité, nous n’affichons pas l’enthousiasme de jeunes qui vogueraient vers d’autres cieux pour la première fois. Pour ma part, je me souviens encore de ce premier grand départ et j’avoue que le taux d’excitation était nettement plus élevé qu’il ne l’est présentement. Cela dit, nous sommes tout de même contents à l’idée de renouer avec une vie qui nous est familière et qui, malgré ses petits écueils, reste stimulante à tous égards. Ainsi, nous savons que les mois à venir passeront à la vitesse grand V, ne serait-ce que parce que nous devrons mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps passé sous le ciel nordique. Qui plus est, même si le retour signifie aussi la fin des vacances, la nature même de notre travail le rend souvent imprévisible et peu routinier, ce qui n’est pas déplaisant, ne me dites pas le contraire…

Mais nous n’y sommes pas encore. Il nous reste encore le temps de ranger la maison, de faire nos valises et de boucler le tout. Et le bilan? Eh bien il est positif, notre bilan. Nous sommes assez satisfaits de nos accomplissements et avons refait le plein de «québéniaiseries» — certainement assez pour les prochains mois! Cependant et malgré nos bonnes intentions, nous n’avons pas revu tous ceux et toutes celles que nous espérions revoir pour des raisons variables. Heureusement, ceux et celles que nous avons eu le plaisir de rencontrer ont pu compenser la tristesse de n’avoir pas vu les autres. Et puis on se dit que ce sera pour une prochaine fois. Car il y a toujours une prochaine fois, n’est-ce pas? En tout cas, nous y comptons bien.

Tout ça pour vous dire qu’après ce long interlude, nous sommes prêts à nous remettre dans le fil de l’action de notre vie haïtienne, dont je vous narrerai les détails au fil du temps et de mon humeur. À vous tous et toutes qui resterez sous cette latitude, je souhaite un bel automne — c'est la plus belle saison lorsque le soleil illumine les couleurs dont se parent les arbres. Un peu frisquet, mais bon, je sais que vous aimez cela...!

dimanche 8 septembre 2013

C'est bien de valeur


Puisque j’ai rouvert la porte de ces lieux d’écriture, aussi bien en profiter…

Et en ce dimanche frais (10° C au thermomètre), quoi de mieux qu’un modeste projet d’écriture, les pieds sur la «palette» du poêle (enfin pas tout à fait, sinon il y aurait des odeurs de pied de cochon qui flotteraient dans l’air…), en attendant que le soleil perce l’épais couvert de nuages et fasse un peu sentir sa présence? Car le début de septembre, en ce pays, c'est déjà le début de l'automne!

Mais ce n’est pas de climatologie dont je veux vous entretenir aujourd’hui — bien que le sujet m’intéresse toujours, vous vous en doutez bien. Aujourd’hui, dimanche, jour du Seigneur, il m’apparaît opportun de commenter un peu l’actualité à travers les perspectives brumeuses de la religion. Et non, je ne parle pas de la Syrie, pays musulman aux prises avec une guerre civile qui, comme toutes les guerres civiles, mutile le pays sans raison, mais bon, ces choses-là arrivent sans que l’on comprenne trop pourquoi. Mais plus près de nous, il y a ce maintenant fameux projet d’une charte québécoise qui baliserait — en fait, restreindrait serait plus juste — le port de signes distinctifs religieux. Projet avec lequel une majorité de Québécois se disent d’accord, ce qui ne laisse pas de m’étonner…! Car de vous à moi, se faire servir dans un bureau de l’État par une dame portant un foulard d’une jolie couleur assorti à sa blouse me paraît difficilement provocateur ou scandaleux! Bien sûr, le voile intégral est une tout autre affaire, une affaire de bon sens. Mais le foulard? En fait, je vous dirai qu’entre une bonne petite Québécoise «de souche» empotée et arrogante et une musulmane polie, compétente et efficace, le choix n’est pas difficile à faire… À cet égard, je vous cite les propos de Lysiane Gagnon dans son article «Une grenade contre Montréal». Parlant de ces foulards que portent les musulmanes pour couvrir leurs cheveux, elle écrit :
«En quoi cela vous dérange-t-il? Avez-vous absolument besoin de connaître la couleur des cheveux de la femme qui vous ausculte ou qui vous remet votre permis de conduire? Où est le scandale, quand la fonction publique est remplie à ras bord de tatouages, de piercings et d'autres ornements drôlement moins hygiéniques, sans parler des sacres qui servent de musique de fond dans les couloirs de nos hôpitaux?»
Voilà qui est fort bien dit. Car que sont les tatouages et les piercings, sinon une forme d’affichage identitaire? Et voyez-vous un gouvernement interdire le tatouage (ou seulement son affichage public)? Ce serait signer son arrêt de mort! Mais puisqu’il est question ici de religions et de religions étrangères, on se sent fort aise d’en réguler la pratique, au nom de la pureté des «valeurs québécoises». Car ce que la future «Charte» veut nous dire, c’est que oui, les pratiques des autres religions sont dérangeantes et oui il faut les interdire, à tout le moins dans les espaces publics. En 2013!... Je vous le dis tout net, j’ai un peu de misère avec ça. Le seul fait qu’on parle ici de religion m’énerve. La présence ou l’absence de signes religieux transforme-t-elle les personnes qui les portent? Or, à mon sens, c’est précisément ce que le projet de cette charte sous-tend : le jugement de valeur qu’on porte sur «les autres», un jugement qui, une fois soutenu par une charte, risque d’en devenir que plus tranché, plus intolérant. Et pourtant, et comme le souligne fort justement Mme Gagnon : «Ce n'est pas parce qu'on n'a pas de religion qu'il faut refuser aux autres le droit d'en avoir une.»

Les Québécois ont l’envieuse réputation d’être un peuple tolérant, accueillant même et pourtant, la religion des autres nous dérange, ou en tout cas et selon le postulat de base qui a donné le ton à cette volonté de rédiger une charte, elle nous dérangerait puisqu’il faut en interdire les manifestations extérieures. Permettez-moi d’être sceptique. Et de ne pas aimer.


lundi 2 septembre 2013

Coucou c'est moi!


Me revoici! Vous croyiez que je vous avais abandonnés, hein? Deux mois déjà depuis mon dernier texte... Mais non. J’ai simplement pris une pause qui s’est avérée plus longue que prévue, mais comme on dit en Haïti : "se pa fòt mwen" — ce n’est pas ma faute. Ainsi et pour me justifier, je pourrais vous dire que :

- je me suis fait voler mon ordinateur;
- aucune connexion Internet n’était disponible;
- j’étais en panne d’inspiration;
- je me suis cassé les doigts;
- je me suis brûlé les mains;
- j’étais malade et alité;
- j’étais en prison pour refus de payer ma contravention;
- nous avons eu trop de visiteurs;
- nous avons eu trop de travail dehors;
- nous avons passé trop de temps devant la télévision;
- il faisait trop beau dehors;
et bien d’autres motifs tordus que je vous laisse imaginer.

Mais je pense que je me dois d’être honnête avec vous, fidèles lecteurs et lectrices : la seule raison de mon silence, c’est que l'écriture ne me tentait pas. Voilà, vous savez tout. J’ai exercé mon libre-arbitre et ai simplement décidé de nous ménager, à vous comme à moi, une pause. Et je ne nierai pas que plusieurs des justifications énumérées ci-dessus ont effectivement pesé dans la balance, mais quand on veut, on peut, n’est-ce pas? Souvenez-vous de l’après tremblement de terre de janvier 2010. Je vous traçais un portrait quotidien de ce que nous vivions et pourtant je vous jure qu’on ne chômait pas! Mais je tenais à cette narration des faits, ne serait-ce que pour pouvoir m’y référer plus tard. Ce que je fais régulièrement, d’ailleurs. Mais cette fois, j'ai choisi de mettre ma production écrite au point mort, quitte à la reprendre quand le goût m'en reviendrait. N'y voyez pas le signe d'un quelconque essoufflement, des bavards comme moi, ça ne s'essouffle pas. Mais une pause, pourquoi pas?

Toujours est-il que ces «vacances» — notez les guillemets — tirent à leur fin et que le retour au sud est pour bientôt. L’expérience fut concluante et nous aura permis de faire ce que nous avions planifié, notamment quelques travaux manuels qui s’imposaient depuis déjà quelques années mais pour lesquels le temps manquait, vu la courte durée de notre séjour en terre québécoise, habituellement. D’où incidemment la décision de rester plus longtemps cet été.

Un été qui s’achève déjà, ce qui ne laisse pas de me surprendre, car il me semble que ce fut plutôt un long prélude à l’automne qui, avec ce début de septembre, est indéniablement dans l’air. Même les oiseaux semblent le sentir : ils vident allégrement les mangeoires que c’en est ruinant pour notre portefeuille, mais bon, ce sont «nos» oiseaux et ils ont ce droit. Pas tous cependant. Pas le pic bois (pic chevelu). Ma compagne a fait sa croisade personnelle de chasser cet intrus qui semble prendre plaisir à vider la mangeoire sans s’en nourrir. Mais c’est qu’il a la tête dure, notre pic, au propre comme au figuré; et malgré toutes les tactiques utilisées, il revient quand bon lui semble et sans craindre les foudres de ma belliqueuse compagne. C’est un combat perdu d’avance, je lui ai dit cent fois, mais elle en fait un point d’honneur et de principe alors je dois me résigner, n’est-ce pas… Et d'ailleurs, je sais que c’est ce que vous feriez à ma place…

Cela dit, le temps a passé, à son rythme intemporel comme toujours, mais pour nous, bien vite. Si bien que déjà (ou enfin, tout dépend du bout de la lorgnette...), il faut songer au départ qui, comme toujours, nous remplit de sentiments confus — mixed feelings, disent nos voisins du sud. Nous sommes toujours contents de retrouver notre milieu tropical, mais toujours tristounets de quitter nos quartiers nordiques, malgré l’arrivée imminente du froid et de la grisaille.

On s’y fait, c’est toujours comme ça. Et ça ne nous empêche nullement de profiter du temps présent… en chauffant le poêle!...