mardi 16 avril 2013
« Pornographie humanitaire »
Je veux commenter un peu le sujet car il est vraiment atroce de vérité. Je ne sais si l’émission peut être captée d'une façon ou de l'autre ce mardi soir à 20h50 sur ARTE, mais si vous avez une façon de la voir, je pense que c’en vaudra certainement la peine (passez-moi le tuyau le cas échéant). Car d’emblée, je vous dirais que c’est à peu près le temps que quelqu’un, quelque part, dénonce cette politique d’infantilisation du peuple haïtien pour se donner bonne figure sur la scène internationale.
Le tremblement de terre de janvier 2010 a créé une espèce de vacuum qui a littéralement aspiré un paquet d’organisations dites humanitaires nanties des meilleures intentions mais bon, vous savez ce qu'on dit des meilleures intentions... On a gentiment tassé les dirigeants haïtiens dans un coin en leur demandant de laisser faire les pros... Faut le faire! Pensez un peu à ce qui se passerait si le Canada subissait une catastrophe de ce genre et que tout à coup, les gens chargés d’organiser les secours ne soient que des étrangers qui ne parleraient qu'entre eux, l’arabe ou le chinois disons… Aberrant! Impossible! C’est vrai. Mais c’est pourtant à peu de choses près ce qui s’est passé au lendemain du séisme : les Américains ont pris le contrôle du pays, se sont réunis entre eux, ont défini des plans d'attaque entre eux et se sont comportés comme de purs conquérants. Juste pour vous dire : l’aéroport de Port-au-Prince, le seul du pays, était complètement contrôlé par les Américains et eux seuls décidaient qui pouvait s'y poser... C’est ainsi que les Brésiliens, venus de leur lointain pays pour nous aider — et Dieu sait qu’ils l’ont fait avec une redoutable efficacité et une empathie exemplaire — devaient atterrir en République Dominicaine, puis se taper 10 bonnes heures de route et le pénible passage de la frontière dominicano-haïtienne avant d’arriver chez nous… Tout simplement parce que les Américains ne les laissaient pas entrer par voie aérienne! Et je sais que la même chose est arrivée à des Italiens, des Belges et même, je pense, à des Canadiens. Bon vous allez me dire que le pays était dans un état tel qu’il fallait bien que quelqu’un en assume le contrôle et vous aurez raison. Mais ce contrôle aurait dû se faire en collaboration avec les dirigeants du pays, vous ne pensez pas? Encore une fois, imaginez un peu le tollé d’indignation qui se serait levé si une telle situation s’était passée dans notre pays ou dans le vôtre…!
Du film dont il est question ici, Pierre Salignon, directeur de Médecins du Monde, dira : «C'est aussi un appel salutaire à refonder le système de l'aide pour le rendre respectueux des attentes de ceux qui en bénéficient. Une dénonciation du contournement de l'Etat haïtien par l'aide au développement et à la reconstruction, qui fait des Haïtiens des assistés sans pouvoir de décision, ni véritable pouvoir d'influence.» Admettons-le : le constat est dur. Mais pas moins vrai, hélas…!
Et maintenant, que dit-on? Que l’argent a fui comme un robinet fuit : goutte à goutte sans interruption; que l’argent promis n’a jamais abouti là où il devait aboutir; que les projets ont été mal gérés, que les résultats sont, à toutes fins utiles, médiocres en regard des sommes injectées. Tout cela est vrai. Tout comme il est honteusement vrai que les Haïtiens ordinaires, comme toujours, ont fait la seule chose qu’ils savent faire : se retrousser les manches et se mettre au boulot : «Les Haïtiens n'attendent plus après l'aide internationale. Ils reconstruisent les bidonvilles et se débrouillent comme ils l'ont toujours fait, en pratiquant le système D.»
Et dire qu’il s’en trouve encore pour admirer Job sur son tas de fumier… Alors que les Haïtiens, eux, font ça depuis toujours sans passer à l’histoire…
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