samedi 19 mai 2012
L'opulence extrême
C’est samedi, l’école est finie, le patron est parti, vive les vacances! Oui bon, je sais, vous allez me dire qu’une courte fin de semaine n’est pas vraiment ce qu'on peut appeler des vacances ni, donc, matière à célébration, mais ce que vous ne savez pas, c’est que nous prenons effectivement quelques jours de cette période faste qu’on appelle les vacances, et ce, très bientôt. Donc la célébration, pour nous, a toute sa raison d’être. Et pour célébrer quoi de mieux qu’un délicieux petit cidre tout droit sorti de son bercail d’origine : les Îles de la Madeleine? Vous vous demandez comment la chose peut être possible? C’est tout simplement que, gourmands mais pas gloutons, nous avons eu la sagesse de conserver un échantillon de ce que notre belle visite de janvier nous a si gentiment apporté en guise de cadeau. Comme si leur visite n'en était pas un!...Alors... à la bonne vôtre!
Rien de bien grave aujourd’hui, donc, rien pour surchauffer la matière grise, rien pour mettre le feu aux poudres; que de la légèreté, laquelle, n’en déplaise à Kundera, n’a vraiment rien d’insoutenable, au contraire! En d'autres termes, je ne parlerai ni de politique, québécoise ou haïtienne, ni d’économie, ni de problèmes sociaux ou médicaux : juste une petite pirouette dans la prairie printanière et dans ce qu’il est convenu d’appeler «l’insolite».
Car voici la maison de Céline Dion à Laval. Qui est à vendre, au cas où vous ne le sauriez pas, et rien qu’à voir les photos, on comprend pourquoi : qui pourrait vivre dans pareille lourdeur? J’ai visité jadis le château Neuschwanstein (photo) qu’a habité le roi Ludwig II de Bavière et franchement, c’est presque plus modeste. Chez Céline, on est carrément dans l’étalage excessif de la richesse excessive. Ici, tout est excessif et le bon goût en est forcément discutable. Mais il ne s’agit pas de goût, n’est-ce pas? Il s’agit d’argent, purement et simplement. Car dites-moi : à quoi sert l’argent si on ne l’étale pas bien épais, à la vue et au nez de tous et de toutes? Or notre chère Céline nationale croule sous les sous, tout le monde le sait, alors il faut quand même qu’on en voit quelques illustrations, n’est-ce pas? N’empêche que je me pose la question : Céline a-t-elle jamais été heureuse dans cette maison?
Certes, vous me direz que les gens riches — odieusement riches, entendons-nous bien, ou "filthy rich" comme ils disent en anglais — n’ont pas besoin d’être heureux, puisqu’ils sont riches. Qu’a-t-on besoin d’autre? Le proverbe aura beau prétendre le contraire, l’argent c’est le bonheur, c’est l’absence de soucis ou de frustrations associés à son absence ou, à tout le moins, son insuffisance. Certes, sa présence peut engendrer d’autres soucis, mais bon, ce sont des soucis de riches, autrement dit, pas de vrais soucis. Pourtant, dans la fable de La Fontaine, c’est le savetier qui siffle : pas le financier…
Tout ça pour vous dire que, voyant les images des pièces de la maison de Céline, je me suis dit que l’opulence des uns ne faisait pas de mal aux autres, puisqu’elle ne suffisait même pas à susciter l’envie. Certes, l’argent est nécessaire; c’est le fondement même de notre monde moderne, n’en déplaise aux idéalistes qui croient encore en l’équité sociale. Mais trop, c’est comme pas assez — en fait, je pense que c’est pire que pas assez, car trop tue le désir, tue le rêve, tue la magie. Au moins, les pauvres peuvent aspirer à devenir riches, mais les riches, eux, aspirent à quoi?
En tout cas, je ne sais pas qui achètera la maison de Céline, mais je puis vous garantir que ce ne sera pas moi, même si j’avais tout à coup les millions nécessaires pour le faire. Et je vous dis ça sans rire…
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