samedi 29 janvier 2011
Janvier s'achève
Pas grand chose sur Haïti ces jours-ci, hein? Eh bien sachez qu'on ne s'en plaint pas. Car quand les médias parlent du pays, c'est qu'il ne fait pas bon y être... Témoin cet article, lu aujourd'hui... N'empêche que janvier se termine sans brouhaha (bourara, comme on dit ici) envers et contre toute prédiction, y compris les miennes, bien entendu. Il va sans dire que rien n'est réglé et la situation politique devra tout de même connaître un aboutissement quelconque, ne serait-ce que pour mettre une tête en place, même si ce n'est pas celle de Papineau. Or, je serais très surpris que ce changement de tête se fasse sans que quelques-uns la perdent et s'excitent la rate, source de toutes les humeurs, comme tout le monde le sait... On attend toujours, donc...
Mais il ne s'agit pas d'une attente angoissante. En fait, les jours se suivent et le travail se poursuit normalement, avec le flot constant de patients qui passent nos portes et viennent voir le médecin pour montrer leurs petits bobos. Je trouve ça rassurant. Qu'importe tout ce qui va de travers dans le pays, les gens continuent d'être malades ou éclopés et continuent d'affluer à notre hôpital, beau temps, mauvais temps. C'est bon pour le moral. Et pour le peuple haïtien aussi, il va sans dire.
Ainsi s'achève janvier. Et si vous avez lu mes écrits antérieurs, vous savez que je m'attendais à tout autre chose. Mais les prédictions ici ne tiennent pas la route : trop de variables. Dans ce cas-ci, c'est le report, sine die, de l'annonce du résultat du premier tour de novembre dernier qui aura permis de passer le temps à peu près normalement. Et maintenant, on parle du désistement de M. Célestin, mais il semble que le monsieur en question ne soit pas d'accord pour qu'on le "flushe", si vous me passez le terme. Sous la pression, il devrait céder, surtout si on prend soin de le dédommager convenablement. Et si vous voulez mon avis, je pense que le retrait de Célestin de la course tient beaucoup à la nature et la valeur du dédommagement en question... Simple impression, bien entendu, mais bon.
Janvier s'achève donc, et la vie continue. La visite récente (et brièvement évoquée dans mon dernier texte) de trois audioprothésistes sortis tout droit du frigorifique Québec nous aura permis, entre autres choses, de bénéficier de l'expertise de ces jeunes gens bien formés et de refaire le plein de prothèses, piles et autres babioles similaires. Un cas mérite d'être mentionné. Une maman se présente avec sa petite fille d'une dizaine d'années. Selon le "blanc" qui l'accompagne (l'un des nombreux missionnaires de La Bible Parle, une organisation dont j'ai déjà parlé et sur laquelle je reviendrai un de ces quatre), la petite fille parlait et puis tout d'un coup, s'est arrêtée de parler. Soudaine aphasie? En fait, creusant la chose, il semble que la petite fille n'entend pas ou entend très mal. Qu'à cela ne tienne, on lui fait passer un test d'audition qui confirme qu'elle est effectivement sourde. Or, tout le monde sait que parler, c'est avant tout une affaire de sons et sans l'oreille, la parole perd tout son sens. Forte de ce diagnostic, notre technicienne a préparé une prothèse auditive pour la petite fille qui s'en tortillait de joie! J'avoue que j'ai bien regretté de ne pas l'avoir prise en photo, dans sa petite robe de crinoline rose bonbon...
Mais l'un des plus gros problèmes que nous avons ici, c'est justement de convaincre les gens que nous pouvons régler leur problème! Ce matin encore, je voyais une jeune dame (je lui aurais donné à peine 20 ans) for jolie d'ailleurs, qui n'avait pas l'argent pour payer pour les médicaments prescrits à son petit garçon d'environ 6 ans. Deux cataractes congénitales, le petit! L'une a été opérée hier et l'autre le sera bientôt. Nous l'avons exonérée de tous frais, bien entendu. Vous dire qu'elle était contente, la dame, serait peu dire... Certes, il n'est pas toujours facile de savoir qui a suffisamment d'argent pour payer tous les frais médicaux (dossier/consultation, tests de laboratoire, médicaments et éventuelle chirurgie/hospitalisation) et qui n'en est absolument incapable. Mais à la longue, on sait. Les gens pauvres sont toujours fiers et mal à l'aise de leur incapacité de payer. Les hypocrites n'ont aucune honte et quémandent sans vergogne. L'autre jour, c'était une imposante dame bien en chair et clinquante de bijoux qui m'affirme, comme ça, qu'elle n'a pas d'argent pour acheter les médicaments qu'on lui a prescrits. Je lui ai dit qu'elle n'avait qu'à me donner sa montre ou son collier et que tout serait dit. Je pense qu'elle n'a pas tellement apprécié; quelques minutes plus tard, le temps de se redonner une contenance, elle m'a remis le billet de 500 Gourdes ($12) qui manquait. Non mais des fois...
Nos prix sont bas. Nous le savons et nous savons que bien des gens pourraient payer davantage. Juste pour vous donner un exemple, une opération de cataracte coûte ici $150 alors qu'elle peut coûter plus de $1000 à Port-au-Prince. Les prothèses auditives que nous vendons $12 s'achètent à près de $1000 dans la capitale, et ainsi de suite. Alors pourquoi ne pas monter nos prix et les ajuster aux pratiques du pays? Tout simplement parce que notre objectif n'est pas d'opérer une PME, mais bien de rendre service à la population, une philosophie qui est d'ailleurs tout à l'honneur des grands patrons de Calgary. Malgré cela et malgré que notre balance soit déficitaire, nos revenus sont tout de même suffisants pour couvrir le plus gros de nos dépenses, le reste nous étant gracieusement fourni par la fondation qui soutient l'Institut depuis toujours. Tout ça pour vous dire que ce que nous faisons s'inscrit dans le sens de la saine contribution au mieux-être collectif: ça ne change pas le monde, mais ça le rend un peu moins malade.
Alors on continue, même si la tâche semble sans fin...
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