dimanche 23 mars 2014
La peur du connu
« Chat échaudé craint l’eau froide. » Vous connaissez sûrement ce proverbe, sinon pour le citer spontanément, à tout le moins pour l’avoir lu ou entendu. Son sens est assez limpide et s’appuie, comme la plupart des proverbes, sur un fait observable : le chat étant un animal prudent et circonspect, s’il se fait échauder, il évitera l’eau tout simplement, sans prendre le temps de vérifier si elle est chaude ou froide. Morale de l’affaire : une mauvaise expérience engendre la crainte, même non fondée, de voir l’expérience se répéter. C'est ce que j'appelle la peur du connu (par opposition à la peur de l'inconnu, vous l'avez compris). Or, ici, en Haïti, l’eau qui a échaudé tout le monde, c’est le tremblement de terre de 2010. Si bien que maintenant, le moindre frisson tellurique engendre une peur panique de voir l’événement dévastateur se reproduire, même si les chances de cette réédition sont bien faibles, à tout le moins en termes d'occurrences géologiques.
Tout ça pour vous dire que oui, vendredi soir dernier, nous avons senti une légère secousse dont tout le monde a immédiatement identifié la source : la terre qui frémit. L'événement s'est passé à quelque 50 km des Cayes (là où nous habitons) et n'a été qu'à peine ressenti par ici, mais davantage près de l'épicentre car en regardant la puissance de l’onde de choc initial, on s’aperçoit que ce n’est quand même pas rien : 4,5 sur l’échelle de Richter, assez pour que le frisson s’étende aux humains…
On peut avoir tendance à minimiser la chose, à considérer la crainte haïtienne comme puérile et non fondée. Mais moi je vous le dis : eussiez-vous vécu pareil drame il y a à peine quatre ans, vous seriez sans doute les premiers à quitter le confort douillet de votre maison à toit de béton et à vous précipiter au dehors lorsque se font sentir les vibrations alarmantes. Car oui, il y a péril en la demeure et l’alarme, même si elle est fausse, est prise ici au sérieux. On ne sait jamais, n’est-ce pas?
Le fait est qu’avec les bouleversements climatiques — et par extension, géologiques — dont nous sommes les impuissants témoins, on peut s’attendre à tout. Qui sait, après tout, ce que l’avenir nous réserve? Et si les climatologues le savaient, croyez-vous qu’ils nous le feraient savoir? Tout au plus quelques chefs d’États seraient-ils avertis, et pour le reste du monde, basta! On fera mieux la prochaine fois. Incidemment, il s’agit là du scénario du film 2012 de Emmerick, qu’on ne peut que trouver logique. Puisqu’il est évident qu’il est impossible de sauver le monde, alors on trie. Le reste, c’est un sauve-qui-peut, pris au sens littéral. Vous allez me dire qu’un petit séisme de quelques secondes à peine ne donne guère le temps de ressentir la panique et d’agir en conséquence, mais je vous rappellerai que c’est précisément ce qui a rendu le tremblement de terre de 2010 si dévastateur : la rapidité du désastre. Alors oui, chat échaudé a toutes les raisons de craindre l’eau froide…
Il n’empêche que ce sont des choses qui arrivent (je parle toujours des séismes, au cas où vous n’auriez pas suivi). Pas souvent, d’accord, mais qui arrivent quand même et lorsqu’elles se produisent, eh bien ce n’est pas drôle, je ne vous le fais pas dire.
Alors gens du nord, bien que vous vous plaigniez de cet hiver qui s’étire et vous fait douter du printemps — qui sait? Peut-être est-ce le début d’une nouvelle ère glaciaire? — dites-vous bien qu’ailleurs, d’autres malheurs, réels ou potentiels, frappent et sèment la pagaille — comme tous ces bons Haïtiens qui se sont précipités au dehors en sentant la secousse familière et évocatrice du grand mal. Ce n’était qu’un faible toussotement, soit, mais qui n’en fait pas moins songer au drame passé et qui laisse penser que celui-ci peut se reproduire.
Après tout, qu’est-ce qu’on en sait?
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