Qu’on me permette aujourd’hui cette parenthèse; en vérité, elle m’est irrésistible. Après avoir suivi, un peu à mon corps défendant, les soubresauts de la politique haïtienne et les résultats des élections — dont l’issue reste encore problématique, je le souligne —, je trouve rafraîchissant de voir comment les choses se passent dans ce grand pays qui m’a vu naître. Car pour ceux et celles qui l’ignorent, ce premier lundi du mois était jour d’élection au Canada.
Petite observation d’abord : au cours de la journée du lundi 2 mai, près de 15 millions de personnes sont allées voter. Les résultats — officiels, est-il besoin de le préciser — étaient déjà disponibles en soirée! Comme on est loin d'Haïti sous ce chapitre! Cependant, comme nous sommes des couche-tôt par nature, ce n’est que le lendemain que nous avons appris l’issue de ces élections. Qui en ont surpris plusieurs, incidemment. C’est ce qui m’incite à vous commenter la chose : confortable majorité du Parti Conservateur, montée fulgurante du Nouveau Parti Démocratique, balayage du Parti Libéral et élimination virtuelle du Bloc Québécois, ce parti dont la seule fonction est de jouer les cerbères pour «protéger» le Québec. Or le Québec, sans s’être donné le mot, a massivement voté pour le NPD. Vous voulez savoir pourquoi? Parce qu’on a procédé par élimination, tout simplement. Le vote du Québec ne démontre pas une quelconque affiliation au Parti Démocratique, mais exprime simplement une volonté de ne pas voter pour les autres partis. Surtout pas pour le Parti Conservateur! Or, le reste du Canada a pourtant affirmé son appui à ce parti, envers et contre tout, et il est permis de se poser la question : pourquoi le reste du pays est-il confortable avec le programme de M. Harper et le Québec, non? J’y vois un bel exemple de diversité culturelle : les Québécois et leur sang latin ont voté avec leur cœur, rejetant massivement la raideur anglo-saxonne que le Parti Conservateur, M. Harper en tête, met de l’avant. Trouvez pas que ça ressemble à mes amis haïtiens, ça? On vote pour le candidat qui porte le vent du changement car le changement vaut toujours mieux que ce qui était en place. C’est comme ça que les choses se sont passées en Haïti et c’est, à mon sens, ce qui vient de se passer dans le vote québécois des dernières élections canadiennes.
Évidemment, dire ce que l’on ne veut pas ne dit pas ce que l’on veut, et l’opinion ainsi exprimée est sujette aux interprétations les plus fantaisistes. Faut-il en conclure que la fièvre nationaliste québécoise est tombée? Que le Nouveau Parti Démocratique est le parti de l’avenir? Que le Canada va très bien dans sa voie fédéraliste de droite rigide? J’avoue que je n’en sais rien. Comme quoi il s’avère aussi difficile de savoir ce que veut le peuple canadien — québécois en particulier — que de supputer sur les motivations du peuple haïtien. En tout cas et pour en revenir à ce dernier, la «petite passe» qu’on a tenté de faire au détriment du peuple a rapidement viré au scandale, ce qui laisse croire que le peuple haïtien est peut-être moins naïf qu’il l’était encore naguère. J’en prends pour preuve cet extrait de l’éditorial de Frantz Duval paru sur le Nouvelliste :
«S'il ne s'agissait pas du choix de membres de la représentation nationale au Sénat et à la Chambre des députés, cette affaire des 19 élus en suspens serait simplement cocasse. Mais voir des députés et des sénateurs de la République attendre comme des enfants la distribution des places est pénible. Déshonore toutes les parties en cause. Le public spectateur aussi.»Mais voyant les drôleries que les dernières élections canadiennes nous ont offertes, et je pense surtout à cette députée élue dans un comté qu’elle ne connaît nullement et dont l’absence a fait jaser non sans sourire, il faut bien admettre que le Canada, tout développé qu’il soit, n’a rien à pavaner devant pauvre Haïti et ses magouilles populaires à la sauce tartare…
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