Mon assiduité laisse à désirer. Je suis d'accord. Mais, mis à part l'interlude de mon anniversaire, février a été pas mal occupé, comme je vous l'ai laissé entendre. Entre autres avec la présence des patrons, lesquels comme d'habitude accaparent une grosse partie de mon temps, mais aussi à cause de la visite d'une petite équipe de volontaires, dont deux ophtalmologues, père et fils. Non, l'ophtalmologie n'est pas une discipline qui se transmet de père en fils comme la «science» vaudou; et j'avoue pour ma part être toujours surpris de voir un fils suivre les traces du père aussi loin, dans une discipline ardue comme l'ophtalmologie. Pour la petite histoire, mon père était imprimeur et bien que je me sois frotté au métier lorsque j'étais étudiant (notamment pour faire un peu d'argent de poche), je n'aurais pu penser y faire carrière. C'était pour mon père, pas pour moi. Cela en dit long sur la relation père-fils et celle, observée, de ces deux médecins confirme cette impression: ils sont complices, et pas seulement dans le domaine de l'ophtalmologie, il va sans dire.
Toujours est-il que ces médecins avaient planifié un nombre important de chirurgies de cataracte et ils n'ont pas été déçus: les patients ont afflué et ils en ont eu plein les bras. Bref et en un mot, succès sur toute la ligne.
Je vous ai dit dans mon avant-dernier texte, combien la valeur des volontaires pouvait varier, selon ce qu'ils peuvent fournir comme apport pratique. Eh bien ceux-là ont fait en une semaine plus de travail que nos médecins réguliers en font en un mois, une cadence quelque peu excessive, convenons-en, mais typique des volontaires dont le temps est limité. Une semaine est si vite passée! On parle de cinq jours, ne l'oublions pas! Bien sûr, ils étaient crevés le vendredi précédant leur départ; mais ils n’en ont pas moins adoré leur expérience. Ce qui me permet de réaffirmer ce que je disais: les volontaires formés et expérimentés sont un atout; les autres, une simple charge de travail supplémentaire pour nous.
Je reste convaincu que la volonté d’être volontaire part d’un bon naturel; et je prends toujours le temps d’examiner les demandes qui nous sont transmises dans ce sens. Et parfois, il arrive que nous ayons en tête un projet dans lequel un ou une volontaire généraliste pourrait tout à fait se sentir à l’aise. Mais ce n’est pas courant. Le travail ici est d’abord et avant tout routinier et c’est précisément pour cette raison que l’inclusion de nouveaux éléments est toujours exigeante. Et je ne vous parle pas de la barrière de la langue, toujours balayée du revers de la main comme sans importance, alors qu’elle représente un frein majeur à l’intégration des volontaires, car comment avancer quand on n’arrive même pas à se faire comprendre? Or n’en déplaise à ceux qui estiment que le créole n’est que du français déguisé, parler et se faire comprendre dans cette langue n’est pas si évident qu’on le pense, avis à tous les «tikoun»…
Ceci m'amène à vous parler d’une petite organisation locale qui s’appelle Maison de Naissance. Déjà le nom séduit. Pas besoin de se perdre dans de longues explications pour dire ce que fait cette petite organisation basée pas très loin des Cayes. Vous aurez compris qu’on y facilite, de différentes façons (allez voir le site Web) l’accouchement, un travail nécessaire et hautement apprécié (je ne parle pas de l'accouchement, hé!). Eh bien les volontaires de cette organisation ont, depuis quelques années, pris l’habitude de s’héberger à notre Institut lorsqu’ils ont à faire dans le coin. C’est une gracieuseté que nous leur fournissons moyennant compensation financière et l’arrangement fait l’affaire de tout le monde. Or, cette semaine, Jim, le chef logisticien, était présent en nos murs avec une gentille équipe composée d’une infirmière et de trois prêtres, qui ont, entre autres, participé à l’inauguration d’une école à un petit village avoisinant nommé, je vous le donne en mille : Le Prêtre! Drôle de coïncidence, hein? Vous dire qu’ils ont apprécié leur séjour serait peu dire, et ça les amis, c’est la preuve que les volontaires trouvent quand même leur pied, nonobstant ce que j’ai pu en dire précédemment. Mais il faut préciser que la taille de l’organisation d’une part et son âge d’autre part facilitent d’autant l’intégration des étrangers : la chose est nettement plus facile dans un projet qui sort tout juste de l’enfance, que pour nous, qui en sommes plutôt à la maturité de l’âge adulte, vous me suivez?
Tout ça pour vous dire que les volontaires ont leur place ici, en Haïti, mais plus l’organisation est spécifique et bien rodée, plus il est difficile pour les non-spécialistes de s’y sentir utiles et intégrés.
Alors encore une fois, on peut venir en Haïti juste pour le plaisir; on peut aussi venir y faire un travail appréciable; les deux ne sont pas incompatibles au reste, mais l’un ne justifie pas l’autre.
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