vendredi 30 décembre 2011

Fin d'année



Décembre tire à sa fin, et avec lui, l'année 2011. Pfft! Évanouie 2011! Partie en fumée! Pourquoi a-t-on l'impression que, au fil du temps, les années passent de plus en plus vite? Le tempo ne s'accélère pas pourtant et nous sommes de plus en plus familiers avec les structures de travail qui sont les nôtres, alors non, ce n'est pas le rythme trop rapide... Alors quoi? Je serais tenté de dire : l'âge. En effet et comme je l'ai déjà lu quelque part, la perception du temps est, semble-t-il, liée au vécu. En d'autres termes, pour un enfant de 10 ans, un an représente 10% de son vécu; il s'agit donc d'une période passablement importante. En revanche, pour quelqu'un qui arrive à 60 ans, ce n'est que 1/60e, soit même pas 2% du vécu, si bien qu'on a alors l'impression que c'est peu de chose... Je trouve que cette explication sonne juste et j'y vois la raison pour laquelle «on ne voit pas le temps passer», comme le chante Ferrat... En tout cas, 2011, c'est pratiquement fini et déjà, c'est l'heure des bilans.

Pour nous, ce bilan est assez simple à faire : malgré un début d'année agité – je veux dire : politiquement agité –, nous avons eu une bonne année, tant sur le plan professionnel que sur celui social. Quelques petits accomplissements nous ont permis de nous sentir utiles à notre tâche, et mes retrouvailles avec ma vieille amie sont certainement à marquer d'une pierre blanche. Pour le reste, eh bien nous n'avons pas été malades (le rhume ne compte pas, évidemment), nous n'avons pas subi de dommages matériels ou humains, nous n'avons pas souffert, nous avons consolidé nos acquits, bref, une bonne année. Comme les années se suivent (en plus de s'accumuler, je veux dire) et ne se ressemblent pas toujours, je pense qu'il faut savoir reconnaître et apprécier celles qui sont meilleures que les autres...

Si bien que nous voici maintenant à l'orée d'une autre année, celle dont plusieurs croient dur comme fer qu'elle marquera la fin du monde... Propos eschatologiques, s'il en est... Vu comme ça, en théorie, ça ne tient pas la route, mais que connaissons-nous des forces cosmiques qui sous-tendent l'équilibre de notre planète? Pas grand-chose. Alors sans faire fi de ce que nous dit la science, je pense qu'il faut tout de même rester conscient de notre fragilité...

Pour ma part, je trouve plus intéressant le fait que le thème de la fin du monde excite et soulève les passions que l'événement lui-même. Car en cas de catastrophe totale (style Knowing encore plus que 2012), personne n'aura vraiment l'occasion d'ergoter sur la chose... Tandis que le fait que des gens s'intéressent au concept, veulent y croire même, en dit long sur leur degré de contentement, vous ne trouvez pas vous autres? Ou bien c'est qu'au cœur de tout homme sommeille un nihiliste... En tout cas, nous aurons l'occasion de voir ce qu'il en sortira, même si ce n'est qu'en fin d'année (21 décembre) que l'on prédit le clou du spectacle...

Cette prévision alarmiste et apocalyptique mise à part, personne ne sait au juste de quoi sera fait 2012, mis à part le fait qu'elle sera bissextile. Mais on peut assumer sans grands risques que l'histoire continuera de s'écrire sur la voie qu'elle a empruntée dans le passé, particulièrement en 2011. Or, si vous avez un tant soit peu suivi l'actualité internationale, vous savez comme moi que l'un des faits marquants de 2011, c'est indubitablement l'éclatement du monde arabe. Des fois, on dit que ça va mal en Haïti, mais regardez un peu les pays arabes et dites-moi lequel est enviable... Bien sûr, les racistes diront que ce ne sont que des Arabes après tout, et que s'ils peuvent tous s’entre-tuer, on ne s'en portera pas plus mal. Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça m'effraie passablement, des idées comme ça... Car ces gens sont aussi nos frères et nos sœurs. Ces gens aspirent aussi à un monde meilleur et à défaut de les soutenir dans leur lutte, je pense qu'il faut tout de même penser à eux, penser à leur inconfort et souhaiter que la paix s'installe à nouveau dans leur pays et qu'ils puissent y vivre dans la quiétude et la sérénité.

En tout cas, 2011 n'est qu'un jalon de plus sur la route du temps, un de plus, c'est vrai. Mais je pense qu'il faut se réjouir que l'année se soit relativement bien passée. Un peu de gratitude ne nuit jamais...

vendredi 23 décembre 2011

23 décembre



Plusieurs parmi vous connaissent cette chanson de Beau Dommage, évocatrice de Noëls passés, révolus, d'une autre époque : «23 décembre, joyeux noël monsieur côté! salue ti-cul on se r'verra le 7 janvier!» Le 23 décembre était en effet la date butoir de la fin de l'école et du début des vacances de Noël, comme on les appelait alors, lesquelles duraient effectivement jusqu'à l'Épiphanie, le 6 janvier. Donc, oui, l'école recommençait le 7 janvier ou après – jamais avant. C'était donc un beau congé, un congé qui en valait la peine et qui nous donnait même hâte de reprendre les cours lorsque arrivait le 7 janvier.

Aujourd'hui, 23 décembre, pour nous, c'est également congé, mais pour des raisons différentes : il fallait bien souligner les Fêtes d'une façon ou de l'autre et puisque tout le monde s'attend à quelques jours de congé, pourquoi pas maintenant? En fait, nous nous sommes entendus pour deux longs week-ends, l'un de quatre jours (23-24-25-26 décembre), l'autre de cinq (30-31 décembre,1-2-3 janvier). Nous reprenons donc nos opérations «normales» le mercredi 4 janvier 2012, dont plusieurs disent déjà que c'est l'année de la fin du monde...

Cependant et comme je le disais dans mon texte précédent, l'ambiance du temps des Fêtes n'est décidément pas la même sous les tropiques. En tout cas, ici en Haïti. Cela dit, il faut quand même admettre que cette année, l'effort pour souligner les Fêtes est clairement visible, conséquence évidente de l'injection de fonds supplémentaires – les 40 millions de gourdes dont je vous parlais précédemment. Je vous disais, entre autres, que les décorations ici sont habituellement modestes sinon inexistantes. Eh bien cheminant de par la ville ce matin, on pouvait en voir ici et là, et l'effet est, ma foi, assez réussi. Quant à la propreté urbaine, on voit toujours des gens balayer à droite et à gauche et l'activité commence à porter ses fruits. Comme quoi un peu d'argent change parfois le monde plus qu'on le croit...

Et on se prépare...

Les échafaudages qui porteront le prochain spectacle sont en place, les énormes baffles en disant long sur ce qui s'annonce. Car la fête, quelle qu'elle soit, ne se passe pas sans musique, tout le monde sait cela. Or ici, la musique, c'est strictement et culturellement dehors, peu importe le voisinage, peu importe l'heure, peu importe les goûts musicaux des gens que le spectacle n'intéresse pas : la musique prend le plancher et célèbre l'occasion. Il faut en prendre son parti...

Mais pour le moment, toute cette effervescence reste contenue dans cette avant-veille de Noël. L'heure est proche, mais ce n'est pas encore l'heure. C'est demain, la nuit de Noël...

L'heure est plutôt aux vœux de belles Fêtes, remplies de joie et de sérénité. C'est ce qu'on vous souhaite. Oubliez les cadeaux : la paix seule vaut son pesant d'or. La paix et l'amour. L'amour, bien sûr, s'il en reste quelque part dans le monde... 


dimanche 18 décembre 2011

À l'approche de Noël


Noël s'en vient, je ne vous apprends rien, sauf qu'ici, il faut se le garder à la mémoire car les indicateurs de l'approche de l'événement ne sont pas nombreux : pas de musique de Noël dans les rues ou les commerces, pas de décorations – ou si peu – pas de Père Noël et pas de cette orgie de lumières qui rendent le décor si féerique dans nos pays nordiques. La vie ici est normale ou à peu près et tout le monde vaque à ses occupations comme d'habitude. Or, voilà qu'on m'apprend, avant-hier, que le gouvernement a débloqué la jolie somme de 400 millions de gourdes pour les Fêtes. Et 400 millions de gourdes, c'est environ $10,000,000 US, ce qui est tout de même une somme appréciable, nous serons d'accord là-dessus. Considérant la précarité des finances du pays, on peut se demander si la dépense est justifiée. En tout cas, les commentaires de mes camarades haïtiens étaient bien clairs sur la question : une aberration; une absurdité; un scandale même. Bref, on ne comprend pas.

Mais en lisant les détails de l'annonce dans cet article du Nouvelliste, on comprend mieux la raison de l'importance de la somme : il s'agit en effet de créer de l'emploi ponctuel, ponctuel certes, mais tout de même rémunéré, avec l'idée de donner aux gens une chance d'avoir un peu d'argent pour passer les Fêtes, diminuant d'autant le stress de n'en pas avoir. Je trouve pour ma part que l'idée se défend. Dix millions de dollars américains pour des décorations de Noël font certes beaucoup, mais dix millions pour créer de l'emploi immédiat, même temporaire, c'est peu, comme quoi tout est relatif. Bien sûr, il s'agit d'abord et avant tout d'un coup politique qui vise à acheter la paix. Et pourquoi pas? Je vous rappelle encore que le mois de décembre 2010 n'a pas été de tout repos et nous a maintenus dans une ambiance assez loin des réjouissances qui accompagnent habituellement Noël et la fin de l'année en cours. Personne ne savait comment 2010 allait finir ni comment 2011 allait démarrer. Or, bien que la popularité du président Martelly ne se démente pas encore, les problèmes restent toujours là et la frustration populaire monte. Une mesure pour faire baisser cette tension m'apparaît dès lors aisément justifiée dans le présent contexte, même si elle en coûte. Car je vous le dis les amis : Noël, c'est pour tout le monde, et bien qu'on veuille que ce soit d'abord une fête chrétienne, ce n'en est pas moins par définition une FÊTE et une majeure, une universelle, même pour les non-chrétiens; et comme toutes les fêtes, il faut la marquer d'une manière spéciale et – ça va de soi – festive. Et ça, ça veut dire dépenser un peu plus que d'habitude, tant pour les diverses administrations publiques que pour les particuliers. Pour nous, à titre d'exemple, c'est une bouteille de champagne – oh! Pas besoin de Dom Pérignon : juste un champagne, un vrai, pour que l'occasion sonne un peu plus spéciale...

Alors on peut émettre des réserves sur la décision politique de décaisser une telle somme à l'occasion de ces fêtes de fin d'année, c'est vrai, mais vue dans le sens macroéconomique, l'idée n'est pas mauvaise. L'argent ne fait pas le bonheur, nous le savons tous, mais son absence peut contribuer au malheur des gens, malheur exacerbé en périodes de fêtes quand «les autres» dépensent ouvertement. Or, ce malheur devient aisément source de frustration, elle-même source de tension sociale et d'éventuelles manifestations qui peuvent si aisément mal tourner. Je pense que les dirigeants haïtiens connaissent parfaitement cette mécanique et le déblocage de ces fonds vise probablement deux objectifs : accroître un tant soit peu le pouvoir d'achat des gens du peuple d'une part et limiter l'amertume du peuple de ne pouvoir participer aux fêtes comme il se doit. Une pierre, deux coups. Reste que ce n'est, à ce stade-ci, qu'un projet qui devra impérativement se concrétiser sous forme d'argent sonnant si l'on veut avoir une chance, une petite, d'atteindre ces deux objectifs. Et je pense que c'en vaut la peine. Le peuple mérite qu'on fasse des petites choses qui ne sont peut-être pas la solution aux problèmes chroniques, mais qui mettent un baume là où il a sa raison d'être. Parfois, le placebo fait des miracles...

En tout cas, lorsque nous sommes passés en ville hier après-midi, je vous jure que ça vous balayait les rues, messieurs dames, que c'en était beau à voir!...

mercredi 14 décembre 2011

Tout à refaire


Des fois je pense que je m’en viens un peu comme Foglia : à court d’idées et sur le pilote automatique. Et puis je m’arrête quelques instants, fais le tour des actualités haïtiennes et y déniche parfois un petit quelque chose qui me donne le goût de le partager avec vous.

Cette fois-ci, il s’agit d’un texte drôlement bien ficelé, dans le sens agréable à lire, que je vous recommande sans hésiter. L’auteur, un certain monsieur Gary Victor, se plaint de plusieurs choses (je vous laisse lire l’article), mais parle entre autres du marché de Pont-Sondé, un village que nous traversions fréquemment lorsque nous habitions Deschapelles. Ce village n’est pas grand-chose; mais son emplacement, juste à la croisée de routes importantes, en fait un centre mercantile majeur en tout temps, spécialement le samedi, jour du marché. En moto, notre moyen de transport de l’époque, on arrivait toujours à se faufiler; mais en voiture, c’était le bouchon total. Celui dont on ne sort qu’au bout d’une session intense de klaxon et de prouesses au volant, épuisé et dégoûté. C’est un peu ce que le monsieur relate et je vous le cite :
«Moi, j'aurais voulu que tout le gouvernement se rende un samedi matin à Pont-Sondé, au marché presque en plein air sur la route nationale numéro un avec cette nuée de marchandes assises à même le pont et ce nombre impressionnant de véhicules publics en mauvais état chargeant et déchargeant, dans le chaos le plus total, humains et marchandises. On peut y être bloqué plus d'une heure. C'est le spectacle le plus délirant auquel on peut assister dans un pays qui se glorifie de ses deux cents ans d'indépendance et de sa victoire sur le colonialiste.»
Comme on peut le voir, le monsieur a été impressionné… Mais ce qu’il veut mettre en lumière, c’est que si tout est à refaire, personne ne semble s’entendre sur la façon de structurer les étapes de cette réfection qui n’est pas seulement de la reconstruction, vous l’aurez deviné. Les structures politiques, l’étalement urbain, l’économie… sont autant de secteurs qui méritent une réorganisation majeure. Mais voilà : quand tout est majeur, par où commence-t-on? On établit un ordre des priorités, me direz-vous. Vrai. Mais je le répète : tout est prioritaire et il est parfois bien difficile de ne pas simplement mettre un sparadrap sur une blessure, une rustine sur une crevaison plutôt que de s’attaquer au vrai problème, comme on l'a fait dans notre cuisine. Je le sais, car c’est souvent ce que l’on fait ici : on temporise. On colmate la fuite, sachant très bien que ce n’est pas la solution, mais pour un court temps, la réparation suffit et cela seul compte. Le danger, c’est précisément lorsque ces réparations de fortune deviennent permanentes. L’exemple le plus criant en est certes ces camps qu’on a mis en place à la suite du tremblement de terre de janvier 2010. Eh bien ils sont toujours là, deux ans plus tard! Bien sûr, tout le monde s’en offusque, bien sûr, tout le monde s’entend pour dire que ça n’a pas de bon sens, mais pendant ce temps, les tentes et divers abris de fortune prennent racine, avec tous les inconvénients que cela suppose… On pourrait dire qu’ils se «permanentent» et pas dans le sens de friser, si vous me suivez…

Mais ça va se résoudre. Et le reste aussi. Haïti n’est jamais pressé. L’essentiel est que tout se passe dans une paix relative, suffisante pour que chacun puisse vaquer à ses occupations ordinaires sans avoir peur de se faire trucider — accidentellement ou intentionnellement. Si vous vous souvenez de décembre 2010, vous savez que ce fut un mois «chaud» (sens créole) qui nous a maintenus sur la corde raide bien au-delà de la fin de l’année… Cette année-ci se passe mieux, tout le monde respire et tout le monde attend.

Attend quoi? Bien tout, justement. Puisque tout est à refaire...


samedi 10 décembre 2011

Lunatique, dites-vous?

Vous le savez si vous suivez ces chroniques un tant soit peu : j’aime les phénomènes astronomiques. Il me semble qu’ils nous remettent dans une perspective plus réaliste en nous faisant comprendre que nous ne sommes, en bout de ligne, qu’une partie négligeable de ce que les grecs nommaient, fort à propos, le cosmos (l’ordre), par opposition au chaos, le désordre. Or, l’astronomie nous montre bien que oui, l’univers est ordonné, qu’il obéit à des lois que nous ne connaissons pas toutes mais qui n’en fonctionnent pas moins. Ainsi, nous savons tous maintenant que la lune tourne autour de la terre sur un cycle de 29,53 jours, lesquels se subdivisent en quatre phases correspondant à la croissance / décroissance de la quantité de lumière qui nous est perceptible, vue de la terre. Le sommet de cette croissance lumineuse, c’est la pleine lune, vous avez tout compris.

Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, j’adore les pleines lunes, surtout pour les jeux de lumière qu’elles créent sur le monde qui nous entoure. Une pleine lune en plein hiver, quand il fait moins 20, c’est carrément une scène extraterrestre. Dans le désert, c’est surréaliste. Ici, sous les tropiques, c’est tout simplement magnifique. La pleine lune défie la nuit… et gagne! L’obscurité se tapit dans un coin tandis que la lumière laiteuse prend tout le tapis.

Les pleines lunes sont omniprésentes dans le folklore des différentes cultures, et pour cause : difficile de ne pas remarquer l'astre dans un ciel dégagé et sa lumière qui, toute réfléchie qu'elle soit, reste toujours de cette texture éthérée, surréaliste. Difficile de ne pas prêter à cette lumière des effets bizarres sur l’humain, comme celui de changer les hommes en loups-garous... Ces prétentions font sourire, mais elles ont tout de même nourri la croyance populaire pendant des siècles et même aujourd'hui, certains, et pas des plus cons, continuent toujours de croire que la pleine lune altère le comportement des humains à des degrés divers. D'après ce que j'en ai lu, ces croyances sont non avérées : il semble n'y avoir aucune corrélation entre la pleine lune et les changements d'humeur, les menstruations ou les accouchements. Mais en ce qui me concerne, j'ai toujours noté une poussée de croissance de mes ongles et de mes poils dans les jours qui précèdent la pleine lune, et ça, aucun scientifique ne me dira le contraire. Évidemment, ça ne change pas ma vie, mais bon, c'est tout de même une influence lunaire, n'est-ce pas?

Existe-t-il une relation spéciale entre la culture haïtienne et la lune? Pas que je sache. Mais la lune est universellement associée à la sorcellerie, alors je ne serais pas surpris que le vaudou l'ait récupérée à son avantage... Cependant, pour les gens ordinaires, il ne s'agit que d'une lune ronde ou d'une grosse lune, comme on dit encore. Chose certaine, elle est bien visible dans ce pays où les lumières publiques ne polluent certainement pas la voûte céleste nocturne... Si bien que, si la conjoncture s'y prêtait, nous aurions droit ce soir à un spectacle de toute beauté : une éclipse totale. Mais bien malheureusement, ce ne sera pas pour nous, sauf peut-être brièvement lorsqu'elle se couchera... Une autre fois peut-être? La prochaine éclipse totale est prévue pour le 15 avril 2014... Mais où serons-nous?

Mais pourquoi vous parler de la lune si ce n’est pour vous parler de la beauté de cet astre de la nuit? Car je vous le redis, une pleine lune tropicale, c’est assez spécial — non pas la lune elle-même qui n’est qu’un gros projecteur fixe, mais l’éclairage qu’elle jette sur l’environnement, le rendant à la fois mystérieux et serein, captivant et apaisant. Une vision d’une grande beauté qui vous réconcilie avec les petits aléas de la vie quotidienne et qui invite à contempler plus loin que le bout de son nez, vers cet infini que nous ne connaissons pas mais qui n’en existe pas moins, sans raison aucune, sauf peut-être pour amuser l’artiste qui l’a créé…

Et non, je ne suis pas lunatique, enfin pas tant que ça...


mercredi 7 décembre 2011

Respect


Permettez-moi aujourd’hui d’aborder un sujet plus sérieux que celui de la réfection de notre cuisine. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de respect. Oui, je sais, j’ai souvent survolé le thème au fil de ces textes, mais en lisant, lundi dernier, la chronique de mon ami Foglia sur la décivilisation, j’y ai vu une belle occasion de m’arrêter un peu sur le sujet. Mais d’abord, que je vous cite Foglia :
«Aujourd'hui, dans les écoles, on parle énormément de respect. En ce temps-là [années 50], on n'en parlait pas, le respect venait avec l'air qu'on respirait. Je ne sais plus où j'ai lu que l'école d'aujourd'hui est l'école du respect (enseigné comme le français et avec autant de succès), alors qu'hier on avait le respect de l'école, le reste coulait de source.»
Je n’ai pas ici l’intention de faire le procès de la société québécoise (lire nord-américaine) dans ses rapports avec les jeunes. Encore moins celui de faire le procès des structures scolaires et du laxisme dont on les accuse. Mais le fait est : le respect s’en est évaporé. Pfft! Disparu dans l’air du temps, dans le changement de siècle ou de millénaire si vous préférez. Pourtant, le respect s’apprend, mais pas de la même façon que le français ou les mathématiques. Car non, le respect n’est pas inné. Il se développe et s’intègre aux rapports qu’on établit avec les autres. Sans le respect, la critique s’aiguise, blesse, tue. Les imperfections de l’autre deviennent autant d’irritants que l’on attaque à coups de machette ou de propos ignobles : l’autre a tort du seul fait qu’il n’est pas comme moi. Tu parles...

Pourtant, ici en Haïti, le respect est encore de mise. Dans les écoles, à l’église, dans les bureaux officiels, chez le médecin ou l’avocat, les gens respectent non seulement l’autorité inhérente à ces lieux, mais aussi ceux et celles qui la personnifient. Question d’apprentissage? Si l’on peut dire. Si l’on accepte que le mot soit ici synonyme d’éducation. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : ici, on éduque encore les enfants, à la maison et surtout, à l’école. On leur dit ce qui est bien, ce qui est mal; ce qui est correct, pas correct. Bref, vous me suivez. (Petite parenthèse ici : il est tout de même drôle que l’on parle encore et toujours au Québec du ministère de l’Éducation alors que cet aspect de la mission scolaire soit si négligé… Fin de la parenthèse.) En Haïti, les enseignants, qu’on appelle encore «maîtres» enseignent tant bien que mal, c’est vrai, mais sont toujours respectés, tant des enfants sous leur charge que des adultes, parents ou autres. Ici, d’un enfant non respectueux des consignes des adultes, on dira qu’il est «malelve» (mal élevé), épithète que même les petits voyous n’apprécient guère… Il n’empêche que les enfants apprennent tôt le respect qui devient rapidement un substrat culturel qui reste toute la vie.

Le respect est aussi, à notre petit hôpital, une valeur fondamentale de notre relation avec les employés. Le code du travail haïtien est on ne peut plus clair sur la question : les obligations du travailleur imposent de «traiter son patron et ses camarades de travail avec respect » et celles de l’employeur stipulent qu’il doit «traiter le travailleur avec respect en ayant soin de ne lui infliger aucun mauvais traitement, verbal ou de fait.» J’en fais ici un point d’honneur. Pas pour avoir l’air de, mais parce que je crois sincèrement en cette valeur, tout comme je crois qu’on doit s’efforcer de traiter les autres comme on s’attend à être traité. C’est la règle d’or libellée sous sa forme affirmative. Le respect, dans cette perspective, devient affaire de gros bon sens : on le donne parce qu’on le veut pour soi-même. Et je puis vous dire que ça marche.

Tout ça pour vous dire que, même si rien n’est jamais facile en ce pays, il y a tout de même des choses qui vont mieux qu’ailleurs. Ça me paraît digne de mention.

dimanche 4 décembre 2011

Une sortie mondaine



Ici en Haïti, nous ne sortons pas souvent. D'abord les occasions ne sont pas si fréquentes que ça, puis une sortie le soir implique de conduire alors qu'il fait nuit, une chose que j'abhorre et que je crains – non sans raison, croyez-moi; enfin, nous sommes habituellement vannés en fin de journée et une sortie, quelle qu'elle soit, ajoute encore à cette fatigue.

Mais vendredi dernier, l'occasion valait le déplacement : notre nouvel ambassadeur, Paul-Henri Normandin, était de passage dans la région et avait invité les Canadiens de la zone à un 5 à 7 informel à un hôtel des Cayes. Le 5 à 7 se déroulait en fait entre 16h30 et 18h30, une plage horaire tout à fait convenable pour nous alors on s'est dit : pourquoi pas? Surtout que ce n'est pas tous les jours qu'un tel événement se produit...

Il faut que je précise ici que les Canadiens en général, incluant les Québécois en particulier, sont assez bien représentés au sud du pays. Il y a plusieurs projets plus ou moins politiques, plus ou moins étalés dans le temps qui rassemblent des gens de divers domaines de compétence. Mais nous ne nous côtoyons pas nécessairement. Certains sont plus grégaires que d'autres, certains préfèrent la compagnie d'Haïtiens, d'Américains, de Français, d'Italiens, certains sont seulement un peu sauvages... Si bien que les occasions de rencontrer les autres Canadiens que l'on sait actifs dans la région ne sont pas si fréquentes qu'on pourrait le croire. Alors l'invitation de l'Ambassade du Canada était appréciable à plus d'un titre, mais surtout pour faire connaissance avec le nouvel ambassadeur, le troisième depuis notre arrivée aux Cayes.

Personnellement, ces fonctions officielles de haut niveau ne m'attirent ni ne m'enchantent et j'ai une admiration bien sincère pour ceux et celles qui peuvent s'y sentir à l'aise suffisamment pour faire le travail requis et aussi pour que nous, petites gens bien ordinaires, puissions aussi nous sentir à l'aise en leur présence. Paul-Henri Normandin est l'un de ces hommes. Simple, chaleureux, cordial avec tout le monde, l'homme m'a immédiatement plu, ce qui n'est pas une réaction automatique de ma part, je vous le précise, surtout envers des personnages officiels. Nous avons bavardé avec un peu tout le monde et finalement, à l'heure dite (18h30, je vous le rappelle), nous avons quitté l'hôtel. Sans cérémonie. Alors, me direz-vous, kossa donne? Rien. Rien d'autre que le plaisir de faire connaissance avec des gens biens. Pourquoi faudrait-il que, parce qu'on rencontre le digne représentant du Canada en Haïti, l'on en tire un profit quelconque? L'ambassade est là pour nous assister, certes, mais assister n'est pas synonyme de se faire siphonner et je vois mal que ces occasions devraient servir à quémander, comme certains le croient, non sans arrogance d'ailleurs.

Cela dit, il y aurait long à dire sur la présence canadienne en Haïti – je parle ici de la présence politique – car elle est assez visible et plutôt bien acceptée. Les relations canado-haïtiennes sont cordiales et relativement efficaces et je pense que c'est une bonne chose pour nous, personnellement. En passant, je n'ai aucune fierté de dire que je suis Canadien ou Québécois et d'où viendrait cette fierté, je vous le demande? On ne choisit pas l'endroit où l'on naît : on compose avec, tout simplement. Je considère avoir eu beaucoup de chance en naissant dans ce pays d'hiver, mais tout comme la personne qui gagne à la loterie, on n'a pas à être fier d'avoir été favorisé par le sort. Ce qui ne m'empêche nullement d'apprécier ce privilège, car oui, c'en est un : parlez-en à n'importe quel Haïtien, si vous en doutez...

Quoi qu'il en soit, l'ambassadeur du Canada est un homme charmant qu'il nous a fait plaisir de rencontrer, juste comme ça. C'était ce que je voulais vous dire, tout simplement.