jeudi 26 août 2010

Voyagement


Je vous reviens sur une note plus personnelle. Je vous ai naguère narré un rallye routier qui faisait partie des aléas du voyage, de celui qu’on fait de temps à autre et qui nous fait sortir du pays où l’on demeure pour aboutir au pays qui nous a vus naître – ou ailleurs. Hier, c’était une autre de ces (trop) rares occurrences, à la fois souhaitée et redoutée, redoutée à cause de la saison et, précisément, des impondérables.

Hier, le temps était au beau fixe, alors on ne s’en faisait pas trop de ce côté. C’est déjà ça de pris. Ne restaient que les toujours possibles pannes mécaniques (source de notre course de la dernière fois), les accidents naturels ou humains et les autres variables, inconnues par nature. Mais rien de tout cela ne s’est produit et nous sommes arrivés à l’heure à l’aéroport. Comme toujours, c’est l’assaut des porteurs qui veulent nos valises contre paiement. Comme toujours et avec mon meilleur sourire (qui vaut ce qu’il vaut, mais bon), je réponds qu’on n’a pas de valises dignes de ce nom, ce qui est vrai. Puis il y a la file. Dehors. Sous le soleil haïtien qui, en cette saison, tape raide. Or, l’une des autres pratiques des porteurs c’est de faire passer les gens par devant la file, «traitement VIP», comme m’a dit l’un d’eux. Ben laissez-moi vous dire que les VIP sont légions dans ce pays! Alors faisant fi de la ligne, nous voilà à cheval sur le cordon qui sépare les gens. «Vous ne pouvez pas rester là», me dit un brave agent de sécurité. «Se pa fòt mwen», lui réponds-je fort pertinemment dans sa langue, et de lui expliquer que si tout le monde passe sur le dos de tout le monde, eh bien nous aussi allons faire de même. Il n’en faut pas plus pour qu’on devienne amis. Puis tout le monde s’en mêle, tout le monde s’emmêle et sous ce soleil de plomb (et croyez-moi, le cliché dit bien ce qu’il dit), ça discute ferme, comme si tout le monde s’engueulait, alors que tout le monde participe à une belle foire verbale.

On finit par entrer (merci pour la climatisation) et à faire ce qu’il faut pour qu’on puisse s’embarquer. Et commence l’attente. Car vous le savez, vous qui avez voyagé en avion : ce qui use, ce n’est pas le vol ou les petites tracasseries douanières ou autres; ce qui use, c’est l’attente. Or, elle fut longue. Quand finalement nous avons embarqué, c’était dans un avion d’une autre compagnie, ajoutant encore à la confusion qui rend tout le monde insécure. Pourtant, c’était le bon avion. Reste à trouver le bon siège. Pour nous, observateurs avertis, ce n’est pas trop un problème; pour la vieille Haïtienne qui me suit, c’en est visiblement un. Mais, homme du monde, je le lui indique (juste devant le nôtre) et pousse même la civilité jusqu’à ranger son sac dans le compartiment en haut. (Ceux qui pensent que je ne réserve mes grâces qu’aux belles jeunes filles seront surpris, je sais, mais voilà la vérité.) Sitôt assis, ma voisine, une jeune fille haïtienne pas mal du tout, se met à tousser. Derrière, un gamin pousse sur son siège (et sur le mien par le fait même); un peu plus loin, ça braille à qui mieux mieux. Charmant voyage qui se dessine... Et l’avion qui ne décolle pas, pour des raisons de paperasse non conforme, d’après ce qu’on finit par nous dire, n’allège en rien la situation. Finalement, après deux heures d’attente au sol, on finit par s’envoler.

Un vol sans histoire. Assez curieusement, tout le monde s’est calmé, sauf ma voisine qui tousse de cette toux sèche, que l’air recyclé de la cabine n’améliore nullement, vous l’aurez compris. Mais somme toute, un vol pas si mal. Et quand on nous distribue les cartes de déclaration douanière, pourquoi devrais-je m’étonner que la vieille, celle que j’avais gentiment assistée, se tourne vers moi et me donne sa carte pour que je la remplisse? Ne suis-je pas le chevalier de ces dames? Ainsi, j’apprendrai, passeport à l’appui, que la dame a 79 ans bien sonnés et est citoyenne canadienne!

Les voyages forment la jeunesse, dit-on. J’en suis. Mais ils aiguisent aussi la patience, ouvrent les horizons et vous unissent à d’autres humains, dans cette boîte de conserve volante qu’est l’avion. Surtout un DC-10, tiens…

Mais comme tout le monde le sait, qui veut la fin prend les moyens...

dimanche 22 août 2010

Revirement : faut-il s'en étonner?


Je ne serai pas long, je vous le promets. Mais il faut que je fasse suite à mon texte d'hier, car déjà, le paysage a changé. Hier, je vous disais que le monsieur dont le nom vous est maintenant familier (et dont la photo, gracieuseté de l'Agence France-Presse, me paraît plutôt éloquente) acceptait la décision du Comité électoral provisoire qui l'évinçait de la course à la présidence du pays. C'était vrai. Or aujourd'hui, qu'apprend-on? Que le cher homme entend contester à grands renforts d'avocats grassement payés. On voit à son visage serein que la chose va sûrement se faire dans le calme et la dignité... Comme si on avait besoin de ça...

Je ne vous cacherai pas que ce revirement me fait peur. Peur qu'on aboutisse justement là où il ne faut pas aller, c'est-à-dire du côté des affrontements entre divers partisans, de la violence et du désordre. Mais le pouvoir, mes amis, le pouvoir... Quel beau leurre, quelle belle façon de justifier l'entêtement et l'étroitesse d'esprit! Le pouvoir grise, même s'il est noir. Et pour l'obtenir, certains sont prêts à tout. D'ailleurs, écrivant "prêts à tout", je me prends à penser à cet excellent film avec Nicole Kidman et intitulé "To Die For" en anglais et qu'on a traduit par "Prête à tout". Un film que je vous recommande, même si vous l'avez vu déjà. Mais j'en reviens à Wyclef. J'ai hier émis l'hypothèse que son acceptation du verdict signifiait peut-être qu'il avait changé d'idée, mais force m'est d'admettre que ce n'est manifestement pas le cas. Comment expliquer son changement d'attitude, alors? Eh bien je pense qu'il se fait "cranker", comme on dit par chez nous. Et puis, comme tout le monde l'a dit et le sait, il a l'argent pour soutenir ses fantaisies, lui... En tout cas, tout ça n'augure rien de bon, si vous voulez mon avis (et si vous ne le voulez pas, eh bien tant pis, vous l'avez quand même). Je pense que sa présence, forcée maintenant, va diviser le pays encore plus avec d'un côté les jeunes et de l'autre les adultes. Mauvais, ça, les copains. Mauvais. Mais nous n'y pouvons rien, sauf attendre...

Si bien qu'alors même que je vous disais que le suspense avait fini par finir, il n'a, en réalité, fait que rebondir et nous en sommes maintenant à attendre pour voir comment réagira le Comité électoral, une entité dont personne ne dit grand bien et qui me paraît par conséquent bien fragile dans les circonstances. Pourtant et comme je le disais encore hier, si fragile et boiteux que soit ce comité, il représente un ordre et une certaine discipline qu'il me paraît plus sage de maintenir que de défier. Rire du comité, comme entend le faire la star, c'est mépriser les règles qui régissent l'exercice électoral, et la contestation publique de Wyclef donne immédiatement le ton à l'échange qui va s'ensuivre : vous n'êtes que des petits cons, moi, je suis Wyclef.

Encore une fois, je redis que je n'ai rien de personnel contre le monsieur. Je ne le connais pas et avoue bien candidement ne pas même l'avoir entendu chanter, alors... Mais je m'élève contre l'arrogance, je m'élève contre le piétinement de règles qui sont haïtiennes à la base et qui, de ce seul fait, mériteraient de la part de ce candidat à la présidence du pays, un minimum de respect. Ou bien est-ce que je me fourre vraiment le doigt dans l’œil à n'en plus pouvoir?

En tout cas, Bondye konnen...

samedi 21 août 2010

Wyclef : Out. Et après?


Depuis mardi dernier, ce billet est en veilleuse. Car c'est mardi dernier que le comité électoral analysait les candidatures à la présidence du pays, dont celle, contestable et contestée, de la vedette dont j'ai parlé naguère, M. Wyclef Jean lui-même. Or, ce n'est que ce matin que nous avons finalement su que le comité avait rejeté cette candidature, au même titre que 12 autres aspirants. Il ne reste que 19 candidats à la présidence, maintenant!... Seulement 19...

Bien que nul en politique haïtienne, je n'en pense pas moins. Et je pense que le comité a bien fait. Plusieurs, et pas des plus cons, s'étonnaient même que ce chanteur américain ait soudain décidé qu'il voulait devenir président du pays qui l'a vu naître, mais qu'il n'a jamais vraiment habité. Je vous cite d'ailleurs ce petit passage du texte de Nathalie Petrowski : "L'éditorial lui a aussi conseillé d'arrêter de mettre la charrue avant les boeufs et de commencer par habiter un pays qu'il a quitté à l'âge de 9 ans, avant de vouloir en devenir le président." Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, c'est plein de bon sens. Le texte de Mme Petrowski est d'ailleurs et comme toujours très bien ficelé sans pour autant faire preuve de partisanerie politique. Je vous le recommande, non pas parce que vous y apprendrez grand-chose, mais parce qu'il va dans le sens même de ce que je suis en train d'essayer de vous dire, à savoir que le monsieur Wyclef, tout populaire qu'il soit, n'a pas ce qu'il faut pour briguer ce poste, d'après le Comité électoral provisoire.

Tout de même, le suspense aura duré. Car on aurait très bien pu, considérant justement la popularité du chanteur, plier quelque peu le règlement et l'accepter dans la course. Mais bien que certains eussent pu se réjouir de cette entorse aux règles du jeu, une telle manœuvre aurait simplement souligné, comme si besoin en était, le manque de sérieux de tout le processus démocratique du pays. Or, il est des fois où il vaut mieux respecter un règlement boiteux que d'en rire publiquement, car alors, on tombe aisément dans la farce rabelaisienne, une pantalonnade distrayante mais vite oubliée. Bien sûr, on me dira que celui qui acceptera de prendre les rennes de ce pays devra être un peu fou ou en tout cas pas complètement conscient de ce que la tâche implique de titanesque, car personne de sensé ne prendrait cette charge. La situation actuelle dans le pays est tout, sauf ordinaire. La personne qui le représentera devra donc être extraordinaire. Vous en connaissez, vous, des gens extraordinaires? Moi, mis à part mon cousin Christian, je ne vois pas... (sans rancune Christian!)

Le pire, c'est que tous ceux à qui j'ai parlé de la candidature fantasque de la star m'ont répondu qu'ils croyaient en lui. Je dis "le pire", car cette foi ne s'appuie sur rien, Wyclef n'ayant jamais été engagé socialement pour le mieux-être du pays. Certes, vous me direz que la foi, par définition, se moque de la raison et vous aurez raison. Mais pour moi, même si elle peut transporter des montagnes, la foi ne peut suffire à faire d'un chanteur un président. Même s'il suit un "crash course" en Gestion de pays 101. Certains lecteurs sérieux et perspicaces diront que je me contredis par rapport à mon texte précédent mais c'est non. Je ne me contredis pas. J'ai dit que dans cette foire politique, dans ce vaudeville électoral, un chanteur pouvait avoir autant de chances de se révéler adéquat qu'un autre candidat. Mais encore faut-il que la base soit respectée. Ce comité, dont on ne dit pas grand-chose de bien dans le pays, a tout de même eu la tâche ingrate d'évaluer la candidature de tout ce beau monde (34 personnes, c'est quand même pas rien) et d'éliminer ceux et celles qui ne répondent pas aux critères d'admission. Voilà.

Reste que ça ne veut pas dire que cette décision va passer comme un couteau dans du beurre tiède. Plusieurs jeunes ont menacé de casser la baraque si le sieur Wyclef était éliminé avant la course et rien ne dit que ça ne va pas se passer. Seul point qui peut aider, Wyclef lui-même dit accepter la décision du comité électoral. Tant mieux, tant mieux. Ça va peut-être calmer les ardeurs manifestantes. Et qui sait? C'est peut-être lui-même qui a changé d'idée! Je vous cite encore Nathalie Petrowski : "Il n'a fallu que trois petites semaines pour que le capital de sympathie à son égard soit complètement dilapidé et pour que sa crédibilité fonde sous la méfiance." Anguille sous roche? On dirait, hein?

En tout cas, nous, tout ce qu'on souhaite c'est rien n'entrave notre plan de sortie du pays...

lundi 9 août 2010

Suez-vous la nuit?


Suez-vous la nuit? (ne pas confondre avec "suave est la nuit") Pas trop? Bien content pour vous, parce que nous, on sue la nuit. Bien sûr, vous me direz que c'est juste normal de suer, si la température corporelle s'élève suffisamment, comme lorsque l'on fait un effort physique soutenu, par exemple. Mais la nuit, quand on dort, que le métabolisme ralentit et que la température du corps s'abaisse, admettez qu'il n'y a pas vraiment de raisons de suer. Et pourtant, ici, la chose est courante. Je le précise immédiatement : on sue en dormant, et non en faisant un exercice physique quelconque que je n'ai certainement pas besoin de préciser vu vos esprits mal tournés. La plupart du temps, la sensation n'est pas suffisante pour faire s'interrompre notre sommeil, mais la nuit dernière, je me suis réveillé complètement trempé. Trempé, vous dis-je. J'en ai ri. Heureusement, notre lit est grand -- un quatre place, selon la désignation haïtienne -- et il suffit habituellement de se déplacer un peu pour éviter la noyade, ce que je fis, non sans avoir poussé ma douce compagne qui faisait l'étoile de mer dans ses retranchements. (Et non, elle ne s'est pas réveillée.) Mais pour l'oreiller, mes amis, c'était peine perdu de tenter de le retourner : il dégoulinait! Comment peut-on suer autant, alors même qu'on a le ventilateur dirigé directement sur soi? Tout simplement, il fait chaud. Pas mal chaud. Ajoutons à cela que le courant est coupé systématiquement à 3 h et vous comprendrez que, même avec la brise nocturne qui se lève à peu près à la même heure, on a fort à faire pour dissiper la chaleur qui nous enveloppe et que le matelas conserve tout près du corps. Car c'est bien là le problème : le ventilateur suffit à rafraîchir suffisamment par convection la peau exposée, mais pour la partie du corps en contact avec le matelas, c'est une tout autre affaire, alors on sue. Vous allez me dire que ce ne doit pas être très agréable de se réveiller mouillé sur un matelas mouillé et vous aurez parfaitement raison. Il s'en trouve certainement pour se souvenir de l'époque lointaine où ils (elles) mouillaient leur lit, et j'avoue que ça y ressemble un peu, en moins localisé. Tout ça pour vous dire que la chaleur actuelle n'est pas vraiment confortable et pas seulement pour nous, petits Blancs égarés sous les tropiques : je vous garantis que les Haïtiens ont hâte que le temps plus frais se manifeste!

Changement de propos mais toujours la nuit, que faites-vous lorsque votre conjoint ou votre conjointe ronfle à n'en plus pouvoir? Chez nous, ça n'arrive pas souvent. Mais ces jours-ci, ma douce est aux prises avec une congestion nocturne qui, aussitôt qu'elle s'endort, déclenche un ronflement tellement bruyant qu'il me tient éveillé. En fait, je parie qu'il tiendrait n'importe qui éveillé! Or, la contraindre à changer de position n'y fait rien : elle continue de ronfler même sur le ventre! Si bien que cette semaine, j'ai dû m'exiler dans la chambre voisine et mettre des bouchons d'oreille pour arriver à joindre le sommeil... dans la sueur...

Y a-t-il un lien entre le ronflement et la sueur? Le ronflement de l'un fait-il suer l'autre? Peut-être si vous êtes du type à stresser d'excès, mais pas moi. Inutile donc d'y chercher une relation de cause à effet, il n'y en a pas. Cependant, la combinaison de ces deux désagréments suffit à perturber les nuits et l'on s'en aperçoit quand arrive l'heure habituelle du réveil (5 h) : on a juste envie de se retourner et de laisser les brumes du sommeil s'épaissir à nouveau. Mais c'est rêver. Car la réalité diurne, avec ses cloches, les chants des adventistes, le trafic routier, le va-et-vient dans la cour (c'est à 5 h qu'on ouvre la porte de notre hôpital et que les gens arrivent), sans compter les quelques coqs égarés qui s'en donnent toujours à cœur joie, cette réalité donc nous dit que l'heure c'est l'heure, en l'occurrence, l'heure de se lever. En passant et concernant les animaux domestiques, il faut dire que ma dernière consigne a porté fruit : les bêtes ont disparu. Veaux, vaches, cochons, couvées... s'en sont allés sous d'autres cieux. Et tout le monde s'en porte mieux...

Tout ça pour vous dire que, chaleur à part, nous nous portons très bien et que les jours se suivent sans trop de heurts ni de tremblements. Ne reste qu'à finaliser la @$%$#$*$±@£¢¤ de comptabilité et nous serons presque prêts pour la prochaine étape. Celle à laquelle on a hâte...

jeudi 5 août 2010

Fantaisie politique


Voilà, c'est officiel : Wyclef Jean sera candidat aux prochaines élections. Pour ajouter un peu plus de confusion dans la marmite politique haïtienne, comme s'il y en avait pas déjà assez. Pourquoi? On n'en sait rien. Il se dit peut-être : "Pourquoi pas?" Et dans le fond, c'est vrai, pourquoi pas une vedette comme candidat présidentiel? N'est-ce pas un peu ce qu'a fait l'inimitable Schwartzeneger? C'est sûr que Wyclef va rallier des supporters; et des votes aussi. Des jeunes surtout, et pour cause : c'est une grande star. Connue internationalement, je l'ai dit, et pour le peuple haïtien, ça veut dire les États-unis et (un peu) le Canada. Le reste du monde, c'est la planète Mars... Or, ce monsieur est d'abord et avant tout Américain, il faut bien le dire, puisqu'il a émigré aux USA à l'âge de 9 ans et qu'il en a presque oublié son créole. Quant au français, on dit qu'il le parle très mal. Faut-il y voir un signe de l'américanisation d'Haïti? Je vous laisse juger. Mais le fait demeure : un candidat déjà surmédiatisé a plus de chances qu'un autre du seul fait qu'il est surmédiatisé. Les médias pèsent lourd dans la balance de la popularité. Bien sûr, ils ne font que rapporter les faits, mais le seul fait qu'ils rapportent fidèlement tous les hoquets du candidat A et à peu près rien des autres accroît sensiblement la notoriété du candidat A, vous serez d'accord. Or, dans un pays comme Haïti où le niveau d'éducation -- et par là même, le niveau de discrimination -- est faible, le candidat populaire est celui qui a plus de chances de remporter la palme. Pas parce qu'il est le meilleur : juste parce qu'il est le plus populaire.

Ce qui m'amène à partager avec vous un irritant : mon patron m'a souvent fait le reproche d'être "populaire" (popular pour être exact) auprès des employés. Je m'en suis toujours défendu hardiment. Je ne suis pas populaire car je n'ai pas à me faire élire. J'ai été embauché pour faire un travail et je le fais à ma façon, que ça plaise aux employés ou non. Or, et comme je l'ai bien candidement avoué, il appert que les employés sont généralement satisfaits de notre prestation professionnelle, alors on aurait tort de s'en plaindre. Cependant là n'est pas l'objectif, alors que ce l'est pour une personne qui veut se faire élire à une quelconque fonction : tous les moyens sont bons pour gagner la sympathie populaire (= du peuple), depuis les flatteries les plus hypocrites jusqu'aux promesses les plus fantaisistes. C'est incidemment pour cette raison de malhonnêteté fondamentale que je ne crois pas à la politique, n'y ai jamais cru et n'y croirai jamais. Alors faudrait surtout pas me confondre avec un politicien...

Wyclef Jean n'est pas lui non plus un politicien. Mais il est un homme public. Un homme d'images. Un homme populaire. Très. Il a donc bien des choses en commun avec la politique. Tout comme le politicien, son "employeur", c'est le peuple. Ne pas plaire au peuple, c'est couler à coup sûr : une réalité qu'il ne faut surtout pas oublier. Même un homme de la trempe d'Obama sait cela et doit de ce fait maintenir une image conforme aux attentes du peuple. Dès lors, on peut s'imaginer aisément ce qu'une icône comme Wyclef peut représenter pour un pays comme Haïti... L'espoir fait vivre, je vous l'ai cité à quelques reprises, celui-là... Intéressant de noter qu'il s'agit aujourd'hui de la question du mini-sondage de Cyberpresse : "Wyclef Jean peut-il sauver Haïti?" Sur plus de 10,000 réponses, 63% (moi-même inclus) croient que non. Faut quand même être réaliste : une vedette, si populaire et bien intentionnée qu'elle soit, ne va certainement pas changer le pays en un tournemain! Remarquez que la question n'est pas de savoir si l'on pense qu'il sera élu, mais s'il peut sauver le pays. En toute justice, je pense que la question pourrait s'appliquer à n'importe qui et récolter à peu près la même réaction : la barre est simplement trop haute pour une seule personne, fût-elle Schwartzeneger!

Tout ça pour vous dire que rien ne change, que tout est toujours pareil et qu'on attend, comme je vous l'ai répété ad nauseam. MAIS on n'a pas de cyclone en vue, alors de quoi pourrions-nous nous plaindre?

mercredi 4 août 2010

Le plus vieux métier du monde


Il semble que mon assiduité à la tâche soit fonction des articles se rapportant à Haïti sur Cyberpresse. Or, ceux-ci se faisant plus rare, ma prose en souffre... J'ai pourtant plein de choses à vous dire et d'histoires à vous conter. Qui ne sont pas en rapport direct avec ce que la Presse peut dire ou ne pas dire. Mais le fait est que je n'ai pas toujours le temps ou le goût. Oui, le goût. Non pas parce que je ne vous aime pas, mais bien parce que j'ai quelquefois envie d'une activité plus paisible, genre écouter un bon film ou lire un bon livre. Et puis, il y a le travail qui, sans mentir, nous tient passablement occupés, quoi qu'on en pense.

Or, voici qu'hier, je tombe sur cet entrefilet auquel je vous réfère sans plus de façon, parce que c'en est presque drôle. Comme si le pays, exsangue, desséché, ruiné pouvait se passer de ce petit commerce illicite, soit, mais ô combien lucratif qu'est la prostitution... Je vous ai dit (mais connaissant votre mémoire, je puis bien vous le redire) que l'argent n'avait pas d'odeur. Comment dès lors pourrait-on juger néfaste la valeur commerciale de la prostitution? Certes, vous me direz que c'est peut-être le plus vieux métier du monde, mais ce n'est certainement pas le plus beau, et pourtant, comme le dit un autre proverbe que tout le monde connaît, "Il n'y a pas de sot métier." Pour les gens qui en font un métier, la prostitution n'est certainement pas une sotte façon de gagner sa vie. Peut-être pas louable, c'est vrai, mais pas sotte pour autant. Le phénomène n'est donc pas plus grave en Haïti qu'ailleurs, même s'il est peut-être plus à risque que dans une ville comme Amsterdam, disons... Mais dire que la prostitution a augmenté me paraît bien présomptueux, quand on connaît la difficulté d'obtenir des données fiables dans ce pays, même pour les pratiques les plus courantes, comme un simple recensement, par exemple. Ainsi, on dit que le séisme a fait entre 250,000 et 300,000 morts, une approximation rendue nécessaire parce qu'on ne sait pas exactement combien de personnes vivaient à un endroit donné. Alors pour vraiment savoir ce qui se passe dans le secteur de la prostitution, ben je pense qu'il faudra repasser...

Cela dit, certains faits se révèlent fondés. Ainsi, la présence des militaires de la MINUSTAH (ONU) est bien connue de tout le monde, car ici aux Cayes en tout cas, ces gens-là ne font pas grand-chose et sont visibles comme le nez au milieu du visage, avec leurs uniformes, voitures, armes et tout le tintouin. En plus, la grande majorité de ces militaire est mâle et jeune et s'emmerde proprement dans une ville comme ici, où tout est bien tranquille. Alors ils envahissent les plages avoisinantes, vident les quelques mini-épiceries des denrées de luxe, et on peut le supposer, se payent éventuellement les services des péripatéticiennes qui affluent aux endroits habituels. Les Dominicaines font-elles partie de ce lot? À Port-au-Prince, la chose est très possible, voire probable. Mais pas ici aux Cayes, où elles auraient fort à faire avec la concurrence des filles de joie locales. Car je ne veux pas prêcher pour ma paroisse, mais faut que vous sachiez que les filles haïtiennes n'ont rien à envier à leurs consœurs étrangères quant à leurs traits physiques. Les filles ici sont majoritairement jolies et joliment bien tournées et non, je ne vous en dis pas plus. Je suis un monsieur respectable, moi, et ne saurais par conséquent vous en dire plus sur le sujet. Et pourtant, comme dirait Galilée, elle tourne... En parlant de la terre, bien sûr, mais on pourrait tout aussi bien en dire autant de ces jeunes filles. Jeunes filles, oui, car je doute que la prostitution mâle soit très répandue par ici. Simple postulat, mais que je pense tout à fait fondé. J'en veux donc venir au fait que les gens s'organisent tant bien que mal et si la prostitution joue un rôle dans la survie du peuple haïtien, eh bien so be it, comme disent les Chinois qui ont émigré.

Tout ça pour vous dire qu'on tient toujours le coup, que le pays tient le coup, malgré la chaleur qui persiste et l'amertume qui croît. On attend. Certains, les élections, d'autres la prochaine catastrophe (sans doute un ouragan de force 4), d'autres le Père Noël ou quelque chose de similaire, d'autres rien. Tout dépend. Mais d'une façon générale, le pays attend. Pour nous en tout cas, ce sont les vacances qui, malgré notre petite escapade printanière, seront plus que bienvenues. Haïti est fascinante à plus d'un égard, je l'ai dit à maintes reprises, mais c'est également un milieu de vie exigeant qui demande passablement d'énergie. Pour nous, étrangers, recharger les batteries n'est pas une option... Vivement les vacances, donc...

Quant aux prostituées, ben elles ne dérangent personne même qu'on pourrait dire qu'elles en arrangent certains, mais là, je présume...