mardi 29 juin 2010

La reconstruction


Lu aujourd'hui (et pas plus fin pour ça): «La reconstruction d'Haïti est trop lente, dit Ban Ki-moon». Un autre. Et pas un deux de pique, comme on dit couramment... Mais pas plus perspicace pour autant que notre ami Sean Penn ou n'importe quelle personne sensée. L'argent derrière la reconstruction n'est toujours pas là. On parle de 10 milliards de dollars. DIX MILLIARDS, les amis. C'est pas du p'tit change, ça! C'est même substantiel. Insuffisant, soit, mais substantiel. Ce pourrait être un bon commencement, en tout cas. Mais rien ne se passe. On parle, on ergote, on planifie, on calcule, on projette, mais rien ne se passe. Rien. Ou si peu. Encore une fois et comme je l'ai dit antérieurement, ce sont les efforts des petits qui portent fruit. Les grandes promesses internationales tombent à plat comme un soufflé trop longtemps hors du four... La montagne qui accouche... Et comme La Fontaine nous le dit: Qu'en sort-il? Une souris... Vous ne trouvez pas que ça commence à faire, vous autres?

Ce que j'ignore, c'est ce qu'il faudrait faire pour que soient débloqués ces fonds qu'on dit accessibles, mais non livrables par manque de solidité administrative (à l'interne, bien entendu). On dit bien n'importe quoi. Préval n'est sans doute pas un saint, je l'ai dit, mais cela en fait-il un voleur pour autant? Je ne crois pas. En tout cas, pas nécessairement. Et il y en a plusieurs qui, comme lui, sans être des parangons de vertu, sont suffisamment honnêtes pour gérer des fonds adéquatement. On n'a pas besoin du pape pour ça! D'ailleurs, je l'ai déjà dit, j'ai un peu en horreur l'odeur de sainteté que certains (certaines aussi, mais moins fréquemment) exsudent sans vergogne. À les entendre -- à les sentir, devrais-je dire -- on croirait que eux seuls connaissent la voie, la vérité et la vertu. Eux seuls savent quoi faire et comment le faire. Surtout s'il s'agit de gérer quelques milliards, n'est-ce pas? Les candidats à la gestion miraculeuse ne manquent pas, ici... Mais tout ça c'est de la frime, de la poudre aux yeux, comme s'il importait plus de faire bonne figure que d'attaquer le vrai problème. Et moi je vous dis, les amis : le vrai problème, c'est que les gens sont présentement dehors!

Je sais, vous allez me dire que c'est pas si simple à régler et je serai d'accord. Mais il me semble que la première chose à faire, c'est vraiment de savoir où on va mettre ces gens qui sont dans la rue depuis plus de 6 mois! Et puis je vous le dis encore, dégager les décombres qui encombrent! (Car oui : des décombres, c'est encombrant, au cas où vous en douteriez...) Mais mon impression est qu'on essaie trop de refaire du neuf avec du vieux. On idéalise la démarche. On veut que ce soit un exercice de style. Et pendant ce temps, les gens attendent, eux! Ailleurs, on peut lire un compte rendu sommaire d'une rencontre entre les gens du camp de Tabarre et les députés européens, venus «se montrer». « Il y a des choses qui marchent, mais vous ne pouvez pas tout attendre des ONG, vous devez me dire ce que nous allons faire ensemble pour améliorer la situation », dit Michèle Striffler, députée française. Comme je le disais plus haut, on pellete des nuages et on s'étonne que ça ne fasse pas un gros tas... Déprimant, dites-vous? Oui. C'est vrai. Et on ne voit pas de structure, même fragile, même branlante se dessiner dans l'horizon gris de ce pays bleu.

J'avoue qu'à la longue, ça nous rend mal à l'aise. Pour nous, évidemment, tout est différent : la maison spacieuse, l'eau courante, l'électricité 24/24 (ou presque), les films sur DVD, la connexion Internet, la nourriture variée et abondante, le vin, la bière... bref, nous ne manquons de rien. Mais on peut difficilement se fermer les yeux sur ce qui se passe dans le reste du pays, pas vrai? On peut difficilement dire : «Après moi le déluge!» On peut difficilement se laver les mains du sort de tous ces malheureux en se disant qu'on n'a rien à voir là-dedans... Je vous donne cette belle citation de John Donne, issue de la Méditation #17, tirée de "Devotions upon Emergent Occasions" (1624): "No man is an island, entire of itself; every man is a piece of the continent, a part of the main. If a clod be washed away by the sea, Europe is the less, as well as if a promontory were, as well as if a manor of thy friend's or of thine own were: any man's death diminishes me, because I am involved in mankind, and therefore never send to know for whom the bell tolls; it tolls for thee." (1)  D'où le grand roman d'Hemingway (For Whom the Bell Tolls) sur le thème, d'ailleurs. Mais qui vivra, verra...

En tout cas, tant que les cyclones nous laissent tranquilles...

(1) Aucun homme n'est une île, entièrement elle-même; chaque homme est un morceau du continent, une partie du principal. Si une motte [de terre] est emportée par la mer, l'Europe en est amoindrie, tout autant que s'il s'agissait d'un promontoire, tout comme si le manoir de l'un de tes amis ou le tien l'étaient : la mort de n'importe quel homme me diminue, parce que je suis partie intégrante de la race humaine et par conséquent ne demande jamais pour qui sonne le glas : il sonne pour toi. (Traduction libre)

jeudi 24 juin 2010

La vie est dure sans toit


Lu sur Cyberpresse : «Sean Penn redoute des violences en Haïti». Évidemment, quand c'est Sean Penn, on écoute et on cite ses paroles empreintes de sagesse et de réalisme, même si ça fait déjà plus d'un mois. Et moi alors? Depuis le temps que je vous dis que ça va péter un jour ou l'autre, n'ai-je pas droit à un petit peu de crédibilité? Bien sûr, je ne suis pas Sean Penn, que j'aime beaucoup, soit dit en passant. C'est un acteur très doué, qui joue dans une grande variété de rôles, et des rôles pas toujours évidents (cf Mystic River, Milk, The Assassination of Richard Nixon, 21 Grams, pour n'en nommer que quelques-uns). Ce qui en fait sans doute un grand acteur. Mais cela lui donne-t-il l'autorité nécessaire pour déclarer que la violence risque d'éclater en Haïti? Bien sûr que non. Néanmoins, il n'a pas besoin d'autorité pour dire cela : il n'a qu'à observer un tant soit peu comment les gens vivent pour se rendre compte que ça ne peut pas continuer comme ça. Même un troupeau de moutons deviendrait enragé. Or, les Haïtiens et les Haïtiennes sont tout sauf des moutons; comment dans ces conditions ne pas conclure qu'ils vont assurément exprimer leur colère et leur dégoût? Pas besoin d'être Sean Penn pour déduire cela; on a juste à se poser la question : «Et si c'était moi, est-ce que j'accepterais sans mot dire (ou sans maudire, si vous préférez)?» Et je peux répondre pour vous tous et toutes : NON. Personne n'accepterait ce que les gens de Port-au-Prince sont contraints de vivre. Et c'est pour cela que je vous dis, en accord avec Sean Penn, oui, mais depuis plus longtemps que lui, que ça va finir par déborder -- je parle de l'amertume, de la rancœur et de la souffrance.

Pourtant, ce que le peuple veut n'est pas excessif : juste un toit pour s'abriter, aussi bien des éléments que des éventuels malfrats. À cet égard et bien qu'on n'y dise pas grand-chose, je vous recommande cet article, paru dans la Voix de l'Est lundi dernier (et disponible via Cyberpresse, bien entendu). Intéressant comme témoignage. Et je confirme que les données sont véridiques. Construire ici n'est pas affaire de luxe, mais la satisfaction de besoins qu'on pourrait situer à la base de la pyramide de Maslow (Niveau 1 : besoins physiologiques; niveau 2 : besoin de sécurité). Qu'on me permette ici de rappeler l’œuvre (et le mot n'est pas trop fort, croyez-moi) de l'ami Raymond qui, sans tambour ni trompette, continue son petit train de maisons modestes. Il en est maintenant à presque 75 et ça se poursuit allégrement, même en son absence. En termes concrets, ça veut dire 75 familles qui ne sont plus dans le chemin, comme on dit. Qui ont un toit sur la tête et des murs pour les protéger. Qui en sont, à juste titre, fiers. Et tout ça pour $1,500 US. Qui dit mieux? Et pendant ce temps, les spécialistes de tout acabit et les politiciens en mal de publicité ergotent sur les milliards de dollars qui soulageront bientôt la misère haïtienne... Bientôt. Ouais...

Mais qu'on me permette de revenir sur l'article de cyberpresse, signé Bernard Demers. Ce qu'il dit est on ne peut plus vrai. Le cas qu'il rapporte est plutôt exceptionnel, dans le sens exceptionnellement chanceux. Rares, en effet, sont les employeurs qui vont offrir une telle aide à leurs employés, et rares sont les postes qui paient si bien. Or, si les ambitions domiciliaires des Haïtiens restent bien modestes, il faut tout de même acheter le terrain, et c'est là que ça fait vraiment mal. Les terrains ici sont hors de prix. Pour une parcelle de 10 sur 20 mètres, on peut s'attendre à payer entre $5,000 et $7,000 US. Il y a beaucoup plus petit, entre des fosses d'aisance à ciel ouvert, et qui ne s'en vendent pas moins $3-4,000. Si bien que pour celui ou celle qui n'a pas eu la chance d'hériter d'un petit coin de terre, c'est la ruine avant même de pouvoir commencer la construction! Non, non, je n'exagère rien. Je parle d'expérience et je vous relate une situation bien réelle. Alors s'il se trouve parmi vous de bons samaritains au porte-monnaie bien gras qui voudraient faire «quelque chose», ne cherchez pas plus loin : envoyez-moi votre contribution et je me ferai un plaisir de l'acheminer à la personne que vous choisirez d'aider. Je puis même vous aider à choisir qui sera l'heureuse ou l'heureux élu...

Alors je lance cette bouteille à la mer, en souhaitant qu'elle s'échoue rapidement sur un rivage serein, porteur d'espoir et de lumière... Je vous le dis encore : sans toit, la vie est dure, dure, dure...

Oh! J'oubliais : et la Saint-Jean dans tout ça? Ben tu parles...

lundi 21 juin 2010

Solstice!


MEZANMI! Comme le temps file! Saviez-vous que c'était aujourd'hui le 21 juin, jour le plus long de l'année dans l'hémisphère nord? Bon, d'accord, vous le saviez. Mais c'est qu'ici, le phénomène passe complètement inaperçu. Comment, en effet, faire la différence entre quelques minutes? Sans vouloir (ni pouvoir) vous offrir une donnée scientifique, présentement, il fait jour à 5 h. Le 21 décembre, même pas une heure plus tard. Même chose pour la tombée du jour : présentement, elle se produit vers 19 h. Au solstice d'hiver, environ une demi-heure plus tôt. Alors qui s'en soucierait? D'où, incidemment, la non-nécessité de changer d'heure. En fait, la seule raison de le faire serait, comme elle l'a été jadis, pour imiter les États-Unis. Raison discutable, convenons-en, mais qu'on ne discutera pas ici.

Donc, je vous ai mis en veilleuse depuis quelques jours, je le confesse. Sur le "back-burner", comme disent vos voisins du sud qui, sans doute, font beaucoup la cuisine. Et je n'ai pas d'excuses. Le temps fuit, je l'ai souvent dit, et tout à coup on se retrouve dans ce loin qui est subitement devenu un présent. Comme quoi ce n'était pas si loin... C'est d'ailleurs ce que j'ai réalisé quand j'ai numérisé et exposé sur mon profil Facebook quelques photos qui me semblaient d'hier, alors qu'elles datent de quelque 30 ans! Le temps fuit, mais le temps fusionne aussi, et tout à coup, hier et demain se confondent avec aujourd'hui. Et c'est d'autant plus vrai dans ce pays où on a toujours l'impression d'attendre quelque chose et en attendant, ben on travaille! Et de ce côté, laissez-moi vous dire que ça roule... Entre les dossiers de dédouanement de marchandise et le toit qui coule, entre les voitures en panne et les lignes électriques qui prennent feu, entre les employées insatisfaites et les malades qui souffrent, on n'a pas vraiment le temps de s'ennuyer, je vous le dis tout net. Bref, ça va. Par ailleurs, ne dit-on pas que «Quand l'appétit va, tout va»? Or, je puis vous garantir que l'appétit va!...

Tout de même, je sais que vous attendez une mise à jour, si brève et insignifiante qu'elle puisse être, et c'est ce que je peux et veux vous offrir en ce jour unique. Quand il ne se passe rien, il ne se passe rien, inutile de fabuler et de vous raconter des drames qui n'en sont pas. Encore une fois, je ne suis pas journaliste, moi... Et la vérité c'est que notre quotidien se passe sans qu'on le sente passer, comme le proverbial couteau dans du beurre à la température de la pièce. Or et parlant de température, je peux vous dire qu'elle n'est pas dans le très frais en cette époque. Mais je suis sûr que vous le savez déjà, puisque j'ai déjà mentionné la chose à plusieurs reprises...

Donc, l'hôpital va. La ville des Cayes aussi et le pays, ben, toujours au point mort. Tout le monde râle de dépit, tout le monde est amer, mais jusqu'à présent, ça tient le coup. Et puis, il y a l'incontournable football! Il me serait difficile de l'éviter. Non pas par partisanerie excessive, mais plutôt par un effet d'entraînement qui, tout comme un torrent fougueux, emporte tout sur son passage. «Tout le monde en parle, alors ce doit être important», est un peu le raisonnement qu'on doit tenir en cette saison. Dans la rue, tout le monde ne parle que de ça. Les employés s'absentent, les malades ne le sont plus, les rues sont désertes, bref, la folie du Mondial est en ville. Que dis-je: dans le pays tout entier! Et pourtant, me direz-vous, Haïti n'est même pas représentée à cet événement monstre (pour ne pas dire ce monstrueux événement). Et vous aurez tout à fait raison. Mais cela n'empêche pas les fanatiques de se river devant la télé ou de river leur oreille à un poste de radio et d'écouter religieusement les commentaires des commentateurs qui, je vous le dis sans rire, à eux seuls méritent le détour rien que pour leurs variations tonales... Bref, la fièvre touche tout le monde, l'épidémie n'épargne personne et il faut, impérativement, parler foot si l'on veut parler avec quelqu'un--qui que ce soit. C'est comme si tout le reste était mis sur «pause» et qu'on avait arrêté la vie et sa pléiade de problèmes. Ici, aux Cayes, deux pays attisent les passions : le Brésil et l'Argentine. Qu'en sortira-t-il? On n'en sait rien. Mais le foot permet de se changer les idées, de participer, même passivement, à la folie mondiale et de se sentir de ce fait, citoyen du monde à part entière. Qui s'en plaindrait?

mardi 8 juin 2010

Contraste


Reçu au cours du week-end dernier, ce commentaire de l'ami Daniel, en rapport avec mon texte du mardi 25 mai et que je vous cite : «Impressionnant, le contraste entre cette photo de PAP et celle de la plage dans ton commentaire suivant. Il est difficile de croire que c'est le même pays. Est-ce qu'on doit passer par là pour se rendre chez toi? Si oui, je passe... mon tour!»

Je n'avais pas vu la chose sous cet angle, mais Daniel a tout compris : pour en arriver à ce petit coin de plage presque vierge «où la main de l'homme n'a jamais mis le pied», comme le disent les cancres (mais avouons que la formule est drôle), il faut voir des scènes humaines pas très jolies, il faut traverser Port-au-Prince, avec sa circulation automobile complètement anarchique et ses habitants qui tentent, tant bien que mal, d'assurer leur subsistance. Pour nous, qui sommes familiers avec cette réalité, la pauvreté et la misère n'ont pas le même sens : il n'y a rien ici de spectaculaire ou de médiatique, mais bien le difficile quotidien de ce peuple qui doit vivre cette vie, non pas parce qu'elle correspond à leur choix, mais bien parce que c'est comme ça. Rien d'autre. Or, pour un non-averti, cette pauvreté, cette misère peut faire très mal. On se dit: «Pourquoi?» Pourquoi ce peuple, par ailleurs si chaleureux et si généreux, doit-il endurer cet enfer? Qu'ont fait les Haïtiens pour mériter pareil sort? Rien, bien évidemment. Le peuple haïtien n'a pas commis de génocide, n'a pas promu l'esclavage, n'a pas envahi ses voisins, bref n'a rien fait que tenter d'organiser sa vie sur cette île tropicale où leurs ancêtres ont été amenés de force. Un peuple victime? Je n'aime pas tellement l'étiquette, mais il faut bien admettre que dans ce cas, elle s'applique... Rappelons que les Haïtiens ont certes conquis leur indépendance, mais ont hérité d'un pays rendu exsangue par la surexploitation des colons, espagnols d'abord puis français, les premiers le vidant de son or, les seconds de son bois précieux (ce qui est sans doute pire). Pas facile de remonter la pente, dans ces conditions-là! Le pays manquait déjà de tout, et le tremblement de terre de janvier dernier a semé la destruction, alors le résultat ne peut qu'être dans le négatif, pas besoin d'être mathématicien pour le comprendre... Cependant, comprendre l'équation ne la rend pas pour autant facile à accepter dans sa réalité physique, et je dois dire que la réaction de Daniel, médecin de surcroît, est bien compréhensible et tout à fait naturelle. Personne ne peut voir ces abris de fortune érigés çà et là sans ressentir un malaise; personne ne peut voir ces enfants souillés de boue, omniprésente, sans sentir l'injustice de cette situation; personne ne peut voir ces gens vaquer à leurs occupations quotidiennes dans des conditions physiques parfois choquantes sans détourner le regard. C'est dur, les amis. Mais ce n'est pas pitoyable pour autant. Car si l'empathie est une chose, la pitié en est une autre. Je n'aime pas la pitié que j'assimile à une forme de condescendance. Or, c'est bien l'attitude la plus répandue parmi les Blancs qui viennent au pays : on a pitié de ce pauvre peuple qui souffre. Mais les Haïtiens valent mieux que cela. Leur vie n'est pas facile, certes. Mais leur courage et leur résistance forcent l'admiration, pas la pitié. Alors oui, on peut, tout comme Daniel, se sentir bouleversé par ces scènes de pauvreté extrême, mais on ne doit en aucune façon oublier que ce peuple peut en remontrer à bien d'autres en termes de débrouillardise et d'adaptabilité. Alors oui, ces scènes sont dures, mais le film n'en reste pas moins passionnant. Vaut le déplacement, comme on dit. Cinq étoiles, certainement. Et s'il est quelqu'un que ce pays est en mesure de séduire, c'est bien l'amateur de diversité épicée, capable de stimuler l'appétit de connaître et la soif de savoir. Haïti n'est pas pour les mauviettes et les bouffeurs de canned food. Alors Daniel, tu aurais tort de passer ton tour...

Pour en revenir au contraste, c'est vrai qu'il est assez frappant. C'est vrai que le pays est d'une grande beauté. Les montagnes, la végétation luxuriante, le ciel bleu tropical et la mer turquoise composent des paysages souvent époustouflants. Haïti, autrefois connue comme la perle des Antilles, reste une île de beauté, et c'est là un fait indéniable. Mais cette beauté n'est pas mise en boîte, elle n'est pas exploitée par l'industrie touristique qui pourtant, en tirerait profit aisément. Car la beauté se vend bien et pourrait constituer une source de revenus non négligeable pour l'État haïtien. Mais les conditions présentes s'y prêtent mal : infrastructures inadéquates, instabilité politique et économique, approvisionnements difficiles et management incohérent font du tourisme une aventure incertaine à laquelle peu de visiteurs veulent se frotter. Lorsque Sophie est venue, on faisait des blagues en disant qu'elle était certainement la seule "touriste" à débarquer à Port-au-Prince... Mais était-ce vraiment une blague?...

Donc Haïti se gagne et pour accéder à sa beauté et à la convivialité de ses gens, il faut d'abord passer par le purgatoire de ses tas d'immondices et de ses routes boueuses. Mais le ciel direct, c'est pour les saints, non? Alors qu'est-ce qu'un petit purgatoire pour mériter le paradis haïtien? Paradis relatif, je n'en disconviens, mais bon. Qui voudrait d'un paradis à la mode musulmane, avec une jeune vierge à chaque jour?

jeudi 3 juin 2010

Fête-Dieu


Aujourd'hui, c'est congé. Un congé à saveur religieuse, soit, mais un congé reste un congé, pas vrai? Et puis dans la culture à forte teneur catholique de ce pays, il s'agit d'un congé important puisqu'on parle aujourd'hui de la Fête-Dieu. Son nom officiel (déniché sur Wiki) est «Solennité du corps et du sang du Christ». Un peu long comme nom, vous en conviendrez, alors on va continuer à parler de la Fête-Dieu, si vous n'y voyez pas d'inconvénients. Comme Pâques, auquel elle se rattache, la Fête-Dieu est variable d'une année à l'autre, mais tombe 60 jours après la grande fête de la résurrection, toujours un jeudi et  presque toujours en juin, ce qui est bien, car il y a peu de jours de congés au cours de ce mois qui pourtant, devrait au moins célébrer le solstice d'été, tout comme Noël permet de fêter celui d'hiver. Alors ce congé est le bienvenu. Mais je vous cite l'extrait de Wikipédia concernant la création de cette fête, parce que c'est tellement cute : «C'est en grande partie à Julienne de Cornillon que l'on doit la Fête-Dieu: à partir de 1209, elle eut de fréquentes visions mystiques. Une vision revint à plusieurs reprises, dans laquelle elle vit une lune échancrée, c'est-à-dire rayonnante de lumière, mais incomplète, une bande noire la divisant en deux parties égales. Elle y vit la révélation qu'il manquait une fête dans l'Église.» Non, mais c'est-y pas beau ça? Des fois, on se demande comment l'Église catholique aurait évolué sans ces visionnaires et ces mystiques...

Mais je reviens au jour de congé. Pour la plupart, c'est un jour de repos, mais pour nous, c'est une journée de travail léger. On peut prendre le temps de rattraper ce qu'on avait perdu en cours de route -- et je ne parle pas du temps car celui-là, on le sait, ne revient plus. Mais des petites tâches, quand même. La comptabilité du mois de mai, par exemple... Tout ça bien mollo, bien entendu...

Et pour le reste, comment va-t-on? Je dirais assez bien merci. Le fait est que nos petites vacances de mai nous ont requinqués, nous ont permis de recharger nos batteries et de retrouver la résistance que nous avions épuisée depuis le fameux tremblement de terre. Et nous voilà déjà en juin. Juin s'accompagne habituellement d'un accroissement de la chaleur et de l'humidité et correspond aussi au début de la saison des ouragans, laquelle, comme je vous l'ai déjà dit, s'annonce intense cette année, surtout, lit-on, si la Nina se développe. El Nino, La Nina, tout ça c'est bien joli, mais ça ne nous avance pas à grand-chose quand un cyclone se dirige vers nous... En tout cas, nous aviserons en temps et lieu.

Les activités de notre petit hôpital ont repris leur cours normal, si je puis dire, et les Brésiliens continuent de nous gratifier de leur visite une fois par mois. Enfin, Port-au-Prince est relativement calme, malgré les manifestations qui ont eu lieu la semaine dernière et qui ont perturbé passablement les activités de la capitale. Mais au point où elles en sont, ce n'est pas une petite manifestation qui changera les choses... Ce qui ne veut pas dire que nous pouvons en rester là. Les gens sont vraiment dans la misère noire, et croyez-moi, le qualificatif n'a rien d'un calembour facile...

Donc, on suit le cours du temps, tirant parti de ce que le pays nous offre, dont ce petit congé qui, depuis belle lurette, n'est plus célébré dans le pays qui nous a vus naître.


Et pour en finir avec la Fête-Dieu, je n'ai pas de photo personnelle d'un ostensoir à vous transmettre, mais comme je me souviens que c'était bien le plus bel objet liturgique qu'on mettait de temps à autre sous nos yeux pour qu'on l'adore, je vous passe celle de Broederhugo at nl.wikipedia. N'est-ce pas que c'est de toute beauté! Et sans vouloir amorcer une polémique autour de la religion, vous ne trouvez pas qu'adorer un objet en or, fût-il le réceptacle du corps du Christ, ça ressemble à de l'idolâtrie, vous autres? Car l'objet était certainement beaucoup plus attirant que l'hostie qu'il contenait, et j'imagine que c'était voulu, non? Un peu comme les jeunes filles aux formes opulentes en tenues légères qui posent pour les pneus Firestone ou autre, bref vous voyez le genre? Disons que les filles accrochent le regard certainement plus que les pneus... Quoiqu'un bon pneu, aux sculptures bien dessinées, c'est tout à fait artistique, vous en conviendrez, j'en suis sûr...

Ok, ok, j'arrête. Vous allez dire que je déraille, que le soleil me porte à la tête ou quelque chose du genre, alors que la vérité est pourtant toute simple : c'est la Fête-Dieu et c'est jour de congé! Vous ne le saviez pas?